Les « chibanis » de la SNCF enfin reconnus

La SNCF a été condamnée pour discrimination envers des travailleurs marocains aux salaires et retraites inférieurs à leurs collègues.

Erwan Manac'h  • 23 septembre 2015 abonné·es

Le conseil des prud’hommes de Paris a mis fin, lundi 21 septembre, à une injustice de plus de quarante-cinq ans à la SNCF. Plusieurs centaines de chibanis marocains, embauchés par la SNCF dans les années 1970, ont été reconnus victimes de « discrimination dans l’exécution du contrat de travail » et « dans les droits à la retraite ». Recrutés pour la plupart directement au Maroc, ils ont fait toute leur carrière comme contractuels, avec des niveaux de salaire et de retraite inférieurs à leurs collègues cheminots. La SNCF devra leur verser des dommages et intérêts allant de 150 000 à 230 000 euros chacun, pour un montant total d’environ 150 millions d’euros. Une vive émotion a accompagné, lundi, l’audition du jugement, au terme d’un combat de plus de quinze ans. « C’est une énorme satisfaction, la dignité pour les Marocains », s’est ému devant l’AFP Ahmed Katim, porte-parole de l’association rassemblant les plaignants. « Je suis cassé des pieds à la tête », a aussi réagi Abdelhadi Fedfane, 66 ans dont trente-six comme contractuel à la SNCF, il se dit « très heureux » de ce jugement, même si celui-ci « ne répare pas [s]a santé » .

La SNCF, qui a recruté environ deux mille Marocains dans les années 1970, en vertu d’une convention signée en 1963 entre la France et le Maroc, a rappelé sa principale ligne de défense : une « clause de nationalité » lui interdit l’embauche sous le statut de cheminot de ressortissants de pays non membres de l’Union européenne. Une clause qui ne justifie pas, aux yeux du conseil des prud’hommes, les écarts de salaires. SUD-Rail, seul syndicat à avoir soutenu le recours des chibanis, a réclamé de nouveau « l’abolition de la “clause de nationalité” responsable de ces discriminations ». La CGT-cheminots a également rappelé que ce « verrou majeur » a été supprimé par la RATP en 2002. Une partie des 832 plaignants avait pu accéder au statut après leur naturalisation, mais en perdant leur ancienneté, soit environ 400 euros de salaire mensuel pour un employé en fin de carrière. La SNCF « prend acte de cette décision » et « se laisse le temps de l’analyse » sur l’éventualité de faire appel, a réagi lundi un porte-parole du groupe. « Il nous faudra plusieurs jours pour regarder les dossiers et mesurer l’impact financier » de cette condamnation, a précisé Béatrice Lafaurie, directrice des Ressources humaines de SNCF-Mobilités. Elle aura un mois pour cela à compter de la notification du jugement, prévue fin octobre.

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