Les confessions d’un homme du siècle

Un récit de l’auteur autrichien Peter Turrini mis en scène par Claude Brozzoni. Histoire et vie mêlées.

Gilles Costaz  • 25 novembre 2015 abonné·es
Les confessions d’un homme du siècle
C’est la vie , Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe, 18 h 30, 01 44 95 98 21, jusqu’au 13 décembre. Texte français de Silvia Berutti-Ronelt et Jean-Claude Berutti, Actes Sud-Papiers.
© Isabelle Fournier

C’est une belle histoire d’amitié : le metteur en scène français Claude Brozzoni demande à l’écrivain autrichien Peter Turrini de lui écrire un texte. L’auteur de Tuer le cochon et d’ Éléments moins performants se fait prier mais, un jour, le texte arrive : C’est la vie, créé à la scène Bonlieu à Annecy et donné actuellement au Rond-Point. Ce n’est pas tout à fait une pièce, mais plutôt un assemblage d’écrits – souvenirs, poèmes, proses diverses – qui, dans leur succession, racontent une vie. Turrini a 71 ans ; il en a, des émotions, des fureurs, des événements à tirer de sa mémoire !

Fils d’artisan italien (mais fort peu intéressé par l’Italie), Turrini fait son chemin péniblement dans une Autriche qui s’est trop courbée devant les nazis. À tous les âges, il cède goulûment au charme des femmes. Il exerce divers métiers avant que sa première pièce intéresse les théâtres. Ce texte initial fait peur. Mais, grâce à l’amitié d’un autre écrivain, le manuscrit arrive dans un grand théâtre de Vienne. C’est le début d’une carrière tumultueuse, parmi les cris et les sifflets. En fin de confession, Turrini clame : « Je ne veux pas mourir ! » Claude Brozzoni a installé le comédien Jean-Quentin Châtelain entre une petite formation orchestrale et une toile blanche sur laquelle, par instants, se projettent des images historiques ou symboliques (corps d’hommes tués par les nazis, cafard se débattant en gros plan…).

La force du spectacle est essentiellement dans les mots de l’auteur et dans l’interprétation de Châtelain, acteur athlétique et surtout brasseur d’états d’âme, voyageur dans les secrets de l’être humain, interprète des hautes idées et des chagrins humbles. Mais n’y a-t-il pas trop de musique ? Permanente, la participation, souvent rock, de Grégory Dargent et de Claude Gomez, derrière leurs synthés et leurs guitares, apporte du souffle et des chocs. Mais pourquoi surajouter des sons et des coups de poing musicaux alors que l’acteur et le texte, par la simple puissance fragile du théâtre, expriment d’eux-mêmes la violence douloureuse de C’est la vie  ? C’est un choix qu’on peut discuter. Mais il y a là une traversée humaine d’une magnifique intensité.

Théâtre
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