Dilcramation

Le Dilcra n’aime guère les « gauchistes » qui « jouent le jeu du commu-nautarisme ».

Sébastien Fontenelle  • 16 décembre 2015 abonné·es

Ce 13 décembre 2015, Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), publie sur Facebook un court texte d’une grande virulence, dans lequel il accuse certains des « collectifs » qui ont participé à l’organisation, deux jours plus tôt, d’un meeting « pour une politique de paix, de justice et de diginité » d’être « anti-démocratiques, racistes et antisémites ». Invité par une journaliste [^2] à préciser un peu cette accusation infamante, il incrimine le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), qui, selon lui, « n’a jamais eu un mot pour les victimes de l’Hyper Cacher  » assassinées par Amedy Coulibaly en janvier 2015.

Problème : cette assertion est, comme le relève immédiatement une militante antiraciste [^3] qui suit l’affaire sur Twitter, fausse – et mensongère. En effet, rappelle cette militante, le CCIF a notamment publié, le 6 mars 2015, un communiqué dans lequel il exprimait en toutes lettres sa « solidarité avec les victimes de l’attentat sanglant contre Charlie Hebdo, avec celles de l’attentat antisémite contre l’Hyper Cacher et avec la policière froidement abattue porte de Montrouge ». Mais cela ne trouble nullement le Dilcra, qui, plutôt que de reconnaître qu’il a quelque peu divagué – et diffamé –, répond à son tour : « Dommage [que ce communiqué] ne soit pas sur le site du CCIF… » Mauvaise pioche : dans la vraie vie, comme le lui signale immédiatement son interlocutrice, le document peut effectivement être consulté en ligne sur le site du collectif. Mais, encore une fois, Gilles Clavreul, retranché dans son arrogance, refuse d’admettre qu’il erre gravement – et fait le choix d’ajouter le sarcasme à la menterie en moquant « l’orthographe » d’un responsable du CCIF qui a laissé passer une coquille dans un de ses tweets.

Pour qui sait un peu comment réfléchit le Dilcra – dont nous nous sommes déjà parlé ici même en avril dernier, rappelle-toi, pour s’esbaudir (notamment) de ce qu’il demande qu’on « cesse de confondre la question du racisme et celle des discriminations »  –, cet épisode n’est pas complètement étonnant. Après tout, il a aussi très clairement déclaré, dans le quotidien Libération, qu’il « se refusait à employer » le mot « islamophobie ». Et qu’il n’aimait guère les « gauchistes qui », lorsqu’ils s’offusquent trop des stigmatisations antimusulmanes, « jouent sans vergogne le jeu du communautarisme ». Plus surprenant, en revanche, est le fait que le gouvernement qui l’a nommé ne réagisse pas du tout quand ce personnage lance contre des organisations antiracistes des accusations infondées et terriblement salissantes : rassure-moi, ce n’est tout de même pas parce qu’elles combattent, au quotidien, cette même islamophobie dont le délégué interministériel à la lutte contre le racisme n’a, quant à lui, toujours pas mesuré, semble-t-il, la toxicité ?

[^2]: @widadK, que l’on suivra avec profit sur Twitter.

[^3]: @Lil_RoXaNe, que l’on suivra avec profit sur Twitter.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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