Alain Finkielkraut, prestidigitateur

M. Finkielkraut est un habitué de ces exercices victimaires discrètement orwelliens.

Sébastien Fontenelle  • 27 avril 2016 abonné·es
Alain Finkielkraut, prestidigitateur
© Photo: JOEL SAGET / AFP

Un mot encore sur M. Finkielkraut, philosophe de médias (PDM) et spécialiste reconnu de l’anathème défiltré. L’autre semaine, comme on sait, il a voulu faire un petit détour par la place de la République, 75010 Paris, à la fin de voir de ses yeux, a-t-il ensuite expliqué, ce que sont ces Nuits debout dont il entend parler dans le poste. Il y a été houspillé, essuyant jusqu’à des crachats : quelques citoyen(ne)s trop pétri(e)s d’esprit Charlie ont même outré leur effronterie jusqu’à le traiter de « facho ».

Dans l’instant, l’éditocratie a monté ça en mayonnaise et fait donner ses chevau-très-lourds, en vue de le poser en martyr : pris (de nouveau) de l’envie subite de hisser la dignité jusqu’à de nouvelles hauteurs, l’inénarrable M. Onfray, qui est itou un PDM, a excrété dans Le Point – je te jure que c’est vrai – que l’épisode lui évoquait le tatouage, jadis, des déportés par les nazis [^1].

Un mot encore, donc, pour pointer que M. Finkielkraut est un habitué de ces exercices victimaires discrètement orwelliens : lorsqu’un certain Renaud Camus, écrivain de son état, se laisse aller, par exemple, à confesser qu’il souffre de la « surreprésentation », à certaines heures, des « animateurs juifs » au sein d’une « radio d’État » – France Culture en l’occurrence –, M. Finkielkraut, que cette prose hideuse n’incommode guère, déplore plutôt que l’on ose soupçonner son auteur d’être discrètement antisémite.

Lorsque la journaliste italienne Oriana Fallaci écrit dans un immonde pamphlet que les musulmans « se reproduisent comme des rats », M. Finkielkraut, loin de vomir, juge qu’elle fait preuve d’un fier courage en se confrontant ainsi à la réalité, et qu’il convient de blâmer plutôt celles et ceux qu’offusque sa logorrhée raciste.

Lorsque M. Finkielkraut lui-même profère, dans une interview, que l’équipe de France de football est désormais « black-black-black », et que tous ces Noirs font « ricaner toute l’Europe » – puis constate que cette saillie, additionnée à d’autres dont l’esprit phobique est le même, provoque l’ire de quelques indécrottables humanistes –, la presse et les médias lui dressent des tribunes d’où il peut geindre sans fin qu’on fait rien qu’à le détester, alors que lui, tout ce qu’il voudrait, c’est qu’on le laisse user de son droit de dégueuler partout qu’il se méfie de l’altérité.

Puis il conclut – avant de raire, donc, qu’il trouve blessant à l’excès qu’on le traite parfois de « facho » – que quiconque va contre ses harangues hallucinées pue forcément le stalinisme, puisque, selon lui : « L’antiracisme sera le communisme du XXIe siècle. »

M. Finkielkraut est en somme un prestidigitateur : par la magie de ses retournements – de ces abracadabra où le vrai des faits n’entre jamais qu’en de minuscules parts – les insulteurs deviennent partout des insulté(e)s.

[^1] La même semaine, mais dans une autre publication – de droite également, puisque c’est dans ces lieux que cet élégant homme a ses ronds de serviette, M. Onfray, qui décidément semble être né bien avant la honte, s’est emporté contre ce qu’il appelle « la fiction d’un PCF résistant » sous l’Occupation. M. Finkielkraut, pour ce que l’on en sait, n’a pas encore opiné à cette vilenie d’anthologie.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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