Comme des tartuffes au petit pied

Regardons comment M. Valls organise ses relations avec le régime saoudien.

Sébastien Fontenelle  • 13 avril 2016 abonné·es
Comme des tartuffes au petit pied
© Photo: KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Un mot encore à propos des marques de vêtements qui se lancent dans ce que la presse et les médias comme il faut (soudain très offusqués que s’appliquent là aussi les règles de « la concurrence libre et non faussée » dont ils psalmodient partout ailleurs la louange hallucinée) appellent « la mode islamique [^1] ».

Comme on sait, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes (sic), complaisamment questionnée sur ce qu’elle pensait de cet important sujet, a très tranquillement comparé les musulmanes qui portent le voile à des « nègres » qui auraient été « pour l’esclavage » : rien que de l’écrire, on est pris d’une assez forte nausée. Comme on sait, ces propos ont suscité de l’émotion. Et, comme on sait, les secours se sont organisés, car il n’était pas question d’abandonner cette digne « socialiste » à son embarras. L’inénarrable Gilles Clavreul, patron de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), qui dépend du Premier ministre Manuel Valls, a ainsi proclamé que, par-delà le fait qu’elle avait certes usé, pour le dire, d’une formulation un peu maladroite, le fond de la pensée de Mme Rossignol était d’une admirable pertinité [^2]. Puis il a ajouté que, n’en déplaise aux « tartuffes au petit pied », la mise en vente de vêtures spécifiquement destinées à une clientèle féminine mahométane consacrait « les noces barbares du cynisme marchand et de la bigoterie ».

De son côté, Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui dépend du Premier ministre Manuel Valls, a estimé que la ministre avait « eu raison de dénoncer l’irresponsabilité des grandes marques qui, au nom du profit, n’hésitent pas à reprendre à leur compte une stratégie fondamentaliste politico-religieuse ».

Dans les deux cas, donc – celui de la Dilcra et celui du HCE –, l’argument produit au soutien de Mme Rossignol a été celui de l’immoralité des fabricants de fringues « islamiques », qui alimenteraient un intégrisme pour améliorer leurs bénéfices. Mais penchons-nous maintenant sur le cas d’un petit pays où l’islam se décline en effet sur un mode fondamentaliste, et dans lequel une bigoterie hallucinée s’exerce notamment – et spécialement – au détriment des femmes : l’Arabie saoudite, bien sûr.

Et regardons comment M. Valls, autorité de tutelle de M. Clavreul et de Mme Bousquet, organise ses relations avec le régime saoudien : il se presse auprès de ses dignitaires à la fin de leur faire parapher des contrats dont il brandira ensuite la signature comme un trophée, puis il bat des mains quand M. Hollande décerne une Légion d’honneur à Mohammed Ben Nayef. Mais, dans ces moments-là, M. Clavreul et Mme Bousquet, directement confrontés à la fusion dégueulasse du cynisme marchand et de l’obscurantisme religieux, tiennent leurs petites bouches soigneusement coites – comme des tartuffes au petit pied.

[^1] Plutôt que sur le mouvement Nuit debout, dont j’ai d’abord envisagé de parler ici – mais je n’avais pas besoin de tant de place pour dire, sans prétention aucune, et en précisant bien que je comprends parfaitement qu’on y puisse adhérer, qu’il ne m’enthousiasme décidément pas.

[^2] Ce mot n’existe pas, dis-tu ? Maintenant si.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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