Le pot-pourri de l’économie

Que faudra-t-il encore pour reconnaître dans le néolibéralisme un ordre social qui vise à enrichir les riches ?

Gérard Duménil  • 20 avril 2016 abonné·es

J’écoute les nouvelles. Les jeunes de la place de la République ont passé leur « Nuit debout » et déclarent un ras-le-bol qui déborde dangereusement du projet de loi El Khomri ; les riches et puissants du monde dont les noms sont mêlés ou (pourraient l’être) aux Panama papers se plaignent de quelques insomnies ; Emmanuel Macron est plus déterminé que jamais à se remettre « En marche », ni vers la droite ni vers la gauche ! J’apprends de la bouche des experts qu’une nouvelle crise financière nous menace auprès de laquelle celle de 2008 fera piètre figure. Elle viendrait, cette fois, de la Chine, minée par ses dettes pourries, dont l’effondrement saperait nos économies. À ma plus grande stupéfaction, un chroniqueur emploie des mots jusqu’alors interdits : « crise des années 1970 » ou « néolibéralisme ». Tout se bouscule.

Y a-t-il un point commun entre ces nouvelles éparses ? La réponse est positive : leur origine.

Les jeunes se rebellent contre une politique qui sert les intérêts des entreprises et de leurs actionnaires en fragilisant la main-d’œuvre. Toutes les frontières commerciales et financières ont été ouvertes dans le but de placer les salariés dans une situation de concurrence ; la gestion des entreprises a été recentrée vers la Bourse. À en croire nos gouvernants, il est aujourd’hui hors de question de revenir sur ces conquêtes des classes supérieures, il ne reste donc plus qu’à rendre l’emploi moins coûteux et plus précaire, sans aucune garantie quant au résultat comme le montre la courbe du chômage. Dans ce contexte délétère, on ne saurait s’étonner que le champion des politiques de droite, conduites sous la bannière de la gauche autodéclarée, se mette en « mouvement », dépassant les clivages droite-gauche qu’il piétine depuis longtemps. Il y a encore peu, on cherchait une « troisième voie » qui a tourné au comique. Aujourd’hui, tabula rasa : on efface les repères. Tout cela pour nourrir les intérêts de qui ? Des plus riches. Que ceux qui n’y croient pas regardent les chiffres. On ne saurait s’enrichir avec les taux de la Caisse d’épargne : comment se serait constituée cette classe de milliardaires et de leurs apprentis sans les paradis fiscaux ?

Les risques viendraient d’ailleurs. Je reste pantois d’admiration face à ceux qui savent que le gouvernement chinois ne liquidera pas le gros passif de mauvaises dettes comme il l’a déjà fait, laissant cette fois son pays s’effondrer, déstabilisant l’économie mondiale. Mais si nos économies sont si dépendantes de la croissance chinoise, n’est-ce pas parce que toutes les barrières ou presque ont été balayées ?

Enfin, oui, il fallait lâcher le mot : néolibéralisme. Mais combien de péripéties faudra-t-il encore pour reconnaître dans le néolibéralisme – si vénéré il y a peu encore, « sans alternative » – un ordre social de classe dont l’objectif était et demeure d’enrichir les riches ? Et le cercle se referme, car ce sont bien les intérêts de classe que servent les politiques, ceux des classes supérieures ou populaires, qui définissaient et devraient encore définir les appartenances – à la droite ou à la gauche – des politiques.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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