Je ne veux plus sponsoriser Bruckner

Pourrait-on arrêter de distribuer notre argent public à des gens qui promulguent des manifestes liberticides ?

Sébastien Fontenelle  • 20 juillet 2016 abonné·es
Je ne veux plus sponsoriser Bruckner
© Photo : JOEL ROBINE / AFP.

Tous les ans, l’État nantit Le Figaro de Serge Dassault (de Les Républicains) de millions d’euros d’aides publiques. Nous – tou(te-)s – sponsorisons ainsi depuis des années les éditoriaux hallucinés où ce contrasté personnage hurle régulièrement qu’il convient de couper les aides (publiques) aux (véritables) nécessiteux. Nous parrainons, également, les vociférations identitaires d’Ivan Rioufol, prédicateur de droite extrême [^1].

Et, cette semaine, nous avons collectivement financé une terrifiante interview de Pascal Bruckner où cet « essayiste [^2] » spécialisé d’ancienne date dans la production de viletés réactionnaires, que je vais devoir citer ici un peu longuement, déclame, après l’immonde tuerie de Nice, que nous allons désormais devoir « choisir entre nos tabous (libertés fondamentales, accueil de l’autre) et notre propre survie ».

Puis répète – conscient peut-être que l’abjecte énormité du propos justifie sa redite – que la France « est », après ce nouvel attentat, « obligée de restreindre le spectre des libertés fondamentales. Au nom de sa propre survie ». Car « la première nécessité, c’est de sauver les corps. Pas les principes. »

Puis ajoute : « Le gouvernement doit balayer l’argumentaire d’une partie de l’ultragauche qui considère que l’État est toujours coupable, que le capitalisme est l’ennemi absolu. Nous verrons fleurir dans les jours qui viennent dans Mediapart, Le Monde diplo, Politis cette logorrhée sur la violence fondamentale de l’État et l’innocence des tueurs, victimes, forcément victimes. Cette dissonance cognitive au sein d’une fraction de la population est préoccupante. »

Puis rajoute que l’État doit maintenant exercer « la violence légitime qui est la sienne ».

Puis synthétise : « Il faut passer au niveau supérieur dans la répression et s’inspirer de l’exemple d’Israël, confronté à cette situation depuis quarante ans. »

Et la place me manque [^3] pour commenter cette… disons cette prose, dont tu as, j’en suis bien certain, parfaitement pris la mesure exacte. Mais il me reste assez de signes pour demander un peu solennellement à Michel Sapin, ministre « socialiste » des Finances, d’arrêter immédiatement de distribuer notre argent public à des gens qui promulguent en conscience des manifestes liberticides – et pour te souhaiter malgré tout de bonnes vacances, où tu prendras cependant soin de ne pas trop baisser tes gardes, car la reprise, je le crains, sera d’une dureté d’airain.

[^1] L’argent de nos impôts pourrait être employé de mille et mille manières infiniment plus satisfaisantes, dans les écoles ou les hôpitaux, par exemple – mais t’as vu : nous ne sommes jamais consulté(e)s sur l’usage qui en est fait. La démocratie, d’accord, mais faudrait pas non plus que ça empêche trop le secteur privé de se gaver aux frais des contribuables.

[^2] C’est son appellation officielle : d’aucun(e)s, parmi ses fidèles journalistes d’accompagnement, le présentent même parfois comme un « philosophe ». Mais peu osent.

[^3] Dans ces deux minuscules feuillets dont je supplie depuis cinq siècles qu’ils passent à trois – je vais finir par lancer une pétition sur Change.org.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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