Valls-Cazeneuve : ceux qui ont interdit la rue à nos enfants !

Quand l’encadrement policier féroce des manifestations et du mouvement social en France a un air d’Allemagne de l’Est et fait disparaître les enfants de l’espace public revendicatif…

Olivier Doubre  • 8 juillet 2016
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Valls-Cazeneuve : ceux qui ont interdit la rue à nos enfants !
© Photo : Michel Soudais.

D’aussi loin que je me souvienne des manifs de ma jeunesse, elles avaient souvent des airs de fête. Bien sûr, certaines furent plus tendues, comme celles à la fin du mouvement étudiant et lycéen contre Devaquet en 1986. Mouvement qui eut une grande part dans mon éducation politique, à 16 ans, et celle de ma génération. Et qui, avec plusieurs « nuits des casseurs » (où l’on s’interrogeait déjà sur leur possible rôle manipulatoire), se termina par un mort, Malik Oussekine, matraqué à mort par les Pelotons voltigeurs motorisés aux ordres des deux horribles Pasqua et Pandraud. Ou bien en 1991, lorsque les flics chargèrent sans ménagement place de la République par la rue Turbigo le rassemblement contre la première guerre du Golfe et la participation de la France à ce premier conflit armé après la chute du Bloc soviétique…

Pour autant, les manifs ressemblaient, même avec ces épisodes de tensions et parfois de violences policières, d’abord à des espaces de liberté, où chacun jouissait de ses droits démocratiques et libertés d’aller et venir, de s’exprimer, de gueuler, de se tenir debout face aux CRS sans craindre de recevoir une balle en plastique, lancée à la vitesse d’un TGV contre votre mâchoire. Même sous Sarkozy, président pourtant ô combien honni à gauche, les manifs, surtout syndicales, demeuraient un lieu de liberté d’expression.

Nous avons alors voté Hollande en 2012. Pour se débarrasser à tout prix du « petit ». Et soudain, sous « un gouvernement de gauche » (sic), les manifs ont pris un air d’Allemagne de l’Est. Fouilles à corps, fouilles des sacs, lignes entières de métro fermées, jeunes filtrés et interceptés, poussés sur le côté avec les matraques, grands-mères plaquées au mur, manifestants abondamment gazés sans discernement… Plus personne n’emmène donc ses enfants en manif ! Il aura fallu un gouvernement PS pour interdire la rue aux gamins.

Mais ce sont surtout ces « murs » grillagés, escamotables, avec le mot bien visible « Police », qui impressionnent et semblent adresser aux manifestants un avant-goût de garde à vue, voire de détention préventive. Toutes les rues adjacentes au parcours autorisé par la préfecture sont désormais bouchées, obstruées par ces grilles hautes de trois mètres, avec moult cerbères casqués, bottés, boucliers et uniformes renforcés derrière ces étranges barrières. Avec Valls et « Gazeneuve », les manifs ont désormais des airs de prison à ciel ouvert. Et il est aussi difficile d’y entrer que d’en sortir, à chaque fois encadré par des CRS surarmés, en guise de comité d’accueil, qui semblent prêts à vous faire passer dans un couloir de coups de matraques, les Tonfa® déjà brandis.

Lors du cortège limité au pourtour du bassin de l’Arsenal, à l’entrée de la place de la Bastille, sur l’un de ces « murs » grillagés, quelqu’un avait collé un petit écriteau manuscrit sur cette drôle de ferraille haute de trois mètres : « ceci n’est pas une manif, c’est un zoo ! » Il est certain que, pour Valls et son ministre de l’Intérieur, ceux qui s’opposent à la loi (scélérate) El Khomri ne méritent pas mieux que d’être traités comme du bétail.

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