Mélenchon garde son optimisme

En visite à Toulouse, où le PG tenait son « Remue-méninges », le candidat de la « France insoumise » a affiché sa décontraction et veut croire que le social peut revenir dans la campagne.

Michel Soudais  • 31 août 2016 abonné·es
Mélenchon garde son optimisme
© Photo : Michel Soudais

En nous recevant dans une salle vide de l’université Jean-Jaurès, à Toulouse, là où le Parti de gauche (PG) tenait son « Remue-méninges », Jean-Luc Mélenchon affiche d’emblée sa décontraction. « Je n’ai pas la pression que j’avais les autres années, quand je devais m’inquiéter du bon déroulement de ce rendez-vous », explique-t-il. Retiré de la direction du parti, dont il est « un des fondateurs » et avec lequel il garde « un lien affectif très fort », il se dit satisfait de voir Éric Coquerel, Danièle Simonnet et ses autres dirigeants « arriver à vivre sans moi ». « Cet après-midi, je vais pouvoir aller au fond de la salle, comme j’en rêve, écouter Roger Martelli et Chantal Mouffe », glisse-t-il. Leur débat porte sur la nécessité (ou non) de construire un populisme de gauche. Ce sera le seul auquel il assistera. Comme tout candidat à la présidentielle, son agenda est serré.

Arrivé la veille au soir pour dîner au milieu des militants du PG, le candidat de La France insoumise avait fait auparavant une halte à Bègles, où la « Caravane insoumise » bouclait sa dernière étape. Depuis la mi-juillet, des militants ont ainsi été à la rencontre des habitants de 51 quartiers populaires, « là où les gens ne partaient pas en vacances », pour « ramener à la citoyenneté des personnes que tout en a éloigné ». En discutant avec les habitants de ces cités pour leur faire connaître leurs droits, ils ont « découvert des situations terribles », dont le candidat veut désormais parler dans sa campagne.

Dans la matinée, le maire (LR) Jean-Luc Moudenc, « extrêmement aimable », l’a reçu pour une visite du Capitole, sur les traces de Jaurès. Un moment de courtoisie républicaine aussi rare qu’apprécié, avant de rejoindre les personnalités invitées au Remue-méninges, dont la poétesse María Fernanda Espinosa, ministre de la Défense de l’Équateur, autour d’un pot d’accueil. En ce début d’après-midi, il doit encore préparer le discours de rentrée qu’il prononcera le lendemain devant quelque 2 000 personnes rassemblées pour un pique-nique de la France insoumise. Participer ensuite à une réunion de coordination des mouvements et des groupes politiques autour de sa campagne.

Engagé dans une « bataille de longue haleine », en pleine polémique sur le burkini, un « moment spécialement glauque », Jean-Luc Mélenchon affirme « conserver des raisons d’être optimiste ». « Je vais incarner le parti de ceux qui refusent de se faire enrôler dans les guerres de religion. Il y a des millions de gens dans ce pays qui n’acceptent pas l’embrigadement et n’ont pas envie d’être enrégimentés. » Pas question pour autant de sous-estimer les attaques de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray, ce qu’il appelle « l’été des assassins », à la suite desquelles « les dirigeants politiques ont perdu leur sang-froid et sont partis en vrille ». Le candidat n’oublie pas que « l’affaire Merah, en faisant irruption dans la campagne présidentielle de 2012, au lendemain de l’énorme rassemblement de la Bastille, a cassé net le travail de construction d’une campagne polarisée sur les questions sociales et culturelles ». Mais il doute que les Français considèrent que ce maillot de bain controversé est plus important que leur feuille de paie, le logement, l’école de leurs gosses, la santé…

« Le problème, des gens, c’est la rentrée scolaire, lance-t-il. Ils découvrent que dans tel département, il n’y a plus de subvention pour la cantine ; dans un autre, que le transport scolaire n’est plus gratuit ; ailleurs, qu’il faut maintenant payer les activités périscolaires et que l’école n’est plus gratuite. Le social revient quand même. »

La récente floraison de candidatures à gauche ne semble pas davantage l’inquiéter. Ne vont-ils pas lui prendre des voix ? « Nous ne sommes pas candidats à la même élection », fait-il remarquer, soucieux de lever « une confusion ». Lui rappelle qu’il est candidat à la présidentielle depuis le 11 février, quand Cécile Duflot, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann et Gérard Filoche « sont candidats à l’investiture de leur primaire ». Même Arnaud Montebourg, insiste-t-il, moquant le « faux suspense » entretenu sur la participation de l’ancien ministre de l’Économie et du Redressement productif à « la primaire qui, autre confusion, n’est pas la primaire de la gauche mais la primaire du PS ». Preuve en est que « la question lui a été posée très directement par Jean-Jacques Bourdin [sur RMC, le 23 août] et il a répondu non moins clairement qu’il se soumettra au résultat. Ça veut dire que si Hollande l’emporte, il appellera à voter pour lui. Pas moi, raison pour laquelle j’ai dit en février que je n’irai pas ».

Candidat au-dessus de la mêlée des primaires, il ne s’émeut pas outre mesure des critiques dont l’accablent ces non-concurrents. « C’est la rançon de la gloire », lâche-t-il dans un sourire. « Ça fait partie du débat, mais il faudrait quand même éviter entre nous de trop se caricaturer. » L’avertissement vise David Cormand et Cécile Duflot, qui ont cru déceler dans ses positions sur l’immigration, énoncées dans un entretien au Monde (25 août), un déport à droite. « J’ai dit que je suis pour la régularisation des travailleurs sans-papiers. Ils sont contre ça ? J’ai dit que je n’étais pas pour la liberté d’installation. Ils sont pour ? Qu’ils le disent, on confrontera les idées. Je défends la position ultra-traditionnelle de la gauche, faire en sorte que les gens ne soient pas obligés de quitter l’endroit où ils sont. Vivre et travailler au pays, ce n’est pas réservé aux Occitans et aux Catalans… »

En cette rentrée, Jean-Luc Mélenchon a bien toutefois un sujet d’inquiétude. Les promesses de parrainage de maire ne rentrent pas assez vite à ses yeux. Il en compte 200 quand il en faut 500 pour se présenter. Et sans elles, impossible d’obtenir un prêt des banques pour faire campagne. Un « handicap » dont il tient responsables l’Élysée et Solférino. « Les verrouilleurs espèrent faire gagner à leur candidat des voix qu’ils ont obtenues en essayant de passer une camisole aux autres », accuse-t-il, persuadé qu’il finira par les réunir.