Quand tu es musulman(e)

Le Premier ministre soutient les maires côtiers de l’autre droite et d’extrême droite.

Sébastien Fontenelle  • 31 août 2016 abonné·es
Quand tu es musulman(e)
© Photo : JEAN-PIERRE MULLER / AFP.

Quand tu es musulman(e), dans la France, gouvernée par les « socialistes », de 2016 – qui n’est pas spécialement différente de celle de l’année d’avant, mais un peu plus dégueulasse quand même (et ce n’est pas peu dire) ?

Tu entends un ancien Premier ministre proférer que : « Les catholiques, les protestants, les juifs, les bouddhistes, les sikhs, ne menacent pas l’unité nationale. » Eux. Et que cette unité, implicitement donnée pour un acmé de l’urbanité, n’est par conséquent menacée – c’est seulement sous-entendu, car la xénophobie va rarement sans couardise – que par les mahométan(e)s [^1]. Mais bon : le mec est de droite – et d’une droite assez outrée, puisqu’il a très longuement servi sous Sarkozy, sans jamais trop s’incommoder de la suffocante exhalaison qui montait de son quinquennat. De sorte que ses saillies, pour puantes – elles aussi – qu’elles soient, ne te surprennent que peu.

Sauf que.

Quand tu es musulman(e) dans le pays qu’on a dit, tu entends également un autre Premier ministre, en exercice, celui-là, et « socialiste » donc, et paré par ses partisans d’une vertu gauchère (évidemment imaginaire), excréter, quant à lui, parmi tant et tant d’autres exhortations puisées au même cloaque, que les adeptes de l’islam doivent faire montre de « discrétion » – et qu’il soutient les maires côtiers, de l’autre droite et d’extrême droite, qui interdisent sur leurs plages les baigneuses en burkini.

Puis tu entends, encore, les divagations défiltrées de l’autre (ex) « socialiste », parangon de républicanisme, que la « gauche » régnante a délégué pour diriger une plus qu’improbable « Fondation pour l’islam de France ». Ex-sous-lieutenant en Algérie – à l’époque point si lointaine où l’armée française ratissait les djebels dans des tenues léopard – narrer qu’il « connaît bien le monde musulman », avant d’expectorer sur des ondes publiques l’ahurissante tirade zemmouriste dont voici le résumé : « Prenez le métro pour aller par exemple à Saint-Denis […]_, regardez ce qui se passe_ […]_. Naturellement, les populations anciennement installées, ouvrières en général, ont quitté la plupart de ces communes._ […] Donc […] il y a à Saint-Denis, par exemple, puisqu’on a pris cet exemple [^2]_, 135 nationalités, mais il y en a une qui a disparu. »_

Après tout cela, comme de juste : quand tu portes le foulard dans cette France répugnante, un restaurateur « laïque » te gicle de son établissement – où tu exagérais l’effronterie jusqu’à vouloir dîner – au motif que « tous les musulmans sont des terroristes ». Mais naturellement, tu ne t’en étonnes guère – car tu sais que le surprenant serait que les vomissements journaliers des élites n’aient jamais pour effet de libérer sous elles d’autres logorrhées racistes.

Quand tu es musulman(e) dans ce pays de cauchemar, tu es d’une patience qui force assez l’admiration : d’autres auraient, d’assez longue date, décidé de se montrer moins tolérants à ce harassement quotidien.

[^1] Et peut-être aussi par les athées, par trop rétifs aux suavités de la civilisation chrétienne…

[^2] Comme tu auras noté : dans la vraie vie, c’est cet intéressant personnage qui a « pris », tout seul, « cet exemple ». Pas « on ».

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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