Pour un programme commun du XXIe siècle

Hamon, Jadot et Mélenchon récusent le mythe de la croissance.

Jérôme Gleizes  • 15 février 2017 abonné·es
Pour un programme commun du XXIe siècle
© Photo : AFP

Hamon, Jadot et Mélenchon vont-ils mettre en œuvre un programme de rupture comme l’ont fait le PCF et le PS dans les années 1970 ?

Les candidats ont une analyse commune de l’état du monde. Nous sommes entrés dans l’ère de l’Anthropocène et devons adapter nos politiques à ce nouvel âge géologique au cours duquel les êtres humains deviennent une menace pour la survie de notre planète [1]. Le productivisme est condamné, car l’accumulation sans fin que prône le capitalisme bute sur la limitation du stock de ressources non renouvelables. Les biens communs comme l’eau et l’air doivent être préservés et constitutionnalisés, car il en va de nos droits et de notre sécurité. La transition écologique de l’économie est la priorité des priorités (sortie du nucléaire, économie décarbonée, suppression des déchets, préservation de la biodiversité, santé environnementale…). La dette écologique est irréversible alors que la dette financière est, elle, négociable.

À l’opposé de Macron, qui associe écologie et croissance, les trois candidats récusent l’anthropocentrisme et la croissance, qui relève aujourd’hui du mythe. Par ailleurs, à la valeur travail de Macron, ils opposent un travail émancipateur, autonome, même s’ils divergent sur les propositions (revenu d’existence ou allocation d’autonomie).

Aujourd’hui, nous entrons dans le moment décrit par Marx dans le Grundrisse [2], quand le travail devient directement productif à partir d’un certain niveau d’industrialisation. « Ce développement du machinisme commence lorsque la grande industrie a atteint [le] niveau [où] toutes les sciences ont été enrôlées au service du capital, [lorsque] la division du travail, ayant transformé de plus en plus les opérations manuelles en opérations mécaniques, a rendu possible leur remplacement par la machine. » « Le savoir [est devenu] une force productive immédiate. » « La vraie richesse étant la pleine puissance productive des individus, l’étalon de mesure en sera non pas le temps de travail, mais le temps disponible. Adopter le temps de travail comme étalon de la richesse, c’est réduire le temps tout entier au seul temps de travail et dégrader l’individu au rôle exclusif d’ouvrier, d’instrument de travail. » On observe une déconnexion croissante entre l’activité productive et sa rétribution. La figure du producteur tend à se confondre avec celle du consommateur. Ce dernier n’est plus un acteur passif mais participe au processus de production, tout comme le producteur consomme une partie de ce qu’il produit. De là découlent des propositions communes (soutien à l’école, à l’ESS, RTT, nouvelle fiscalité…).

Parmi les ruptures avec l’ordre ancien, et aussi avec la politique menée par Hollande puis Valls depuis 2012, celle avec la finance et la tyrannie des dogmes budgétaires est centrale. Les stratégies varient, mais l’objectif est le même. L’Europe est le dernier continent à appliquer des politiques d’austérité mortifères, alors que même le FMI, aujourd’hui, les conteste. L’expérience grecque est un traumatisme. Le social-libéralisme et la Commission européenne amènent le délitement de l’Europe au détriment des liens sociaux et favorisent la montée de l’extrême droite.

Une chance pour une autre politique est possible, saisissons-la.

[1] Lire « L’Anthropocène à l’âge de l’écologie politique », Écorev’ n° 44.

[2] Cf. le débat : « Socialisation des revenus ou comment penser l’après-capitalisme », L’Humanité, 20 juin 2016.

Jérôme Gleizes Directeur de publication d’ÉcoRev’

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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