Surtout ne changez rien

Impossible de remercier ici tout-e-s celles et ceux qui auront collaboré à mettre la Pen à 21,3 %.

Sébastien Fontenelle  • 26 avril 2017 abonné·es
Surtout ne changez rien
© photo : Irina Kalashnikova / STR / AFP

Un grand bravo et mille mercis à qui aura, au fil des années (et de toutes parts), pavé de toujours plus de facilitations la voie, somme toute assez royale, par quoi la Pen est arrivée à son ahurissant score de ce dimanche soir : 21,3 %.

Vingt. Et. Un. Virgule. Trois. Pour. Cent.

Impossible, évidemment, de remercier ici, dans ces congrus feuillets, tout-e-s celles et ceux qui auront, d’une manière ou d’une autre, collaboré à cette si noble entreprise.

Mais tout de même : merci aux éditocrates qui ont si obstinément « dédiabolisé » « Marine ».

Merci aux patrons de presse – certaines fois ce sont les mêmes – qui ont méthodiquement banalisé puis validé sa logorrhée xénophobe à grands coups d’innombrables unes (et autres couvertures) toujours plus dégueulasses sur « le vrai coût de l’immigration », ou « la peur de l’islam », ou « cet islam sans-gêne » – tout en faisant mine après cela de s’étonner de ce qu’ « elle mont(ât) » dans les sondages.

Merci bien sûr à la droite dite « républicaine », qui depuis tant d’ans n’a eu de cesse de cal(qu)er sa propagande sur celle du Front national.

Merci aux « socialistes » – j’espère que tu vois les guillemets – qui se sont si gaillardement calés sur cette droite. (Rien n’est de vrai si bon que l’idée que leur misérable parti ne sera bientôt plus qu’un triste souvenir dans notre paysage politique.) Merci à Manuel Valls, qui, du haut de ses tribunes ministérielles, a tant et tant aboyé que « les Roms » avaient « vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie » et (r)appelé les mahométan-e-s à plus de « discrétion » – pour ensuite japper, après lui avoir donc fait un si constant écho, qu’il fallait « garantir une large défaite de l’extrême droite ».

Merci à Jean-Luc Mélenchon, qui a jugé qu’il convenait, pour récupérer des voix pénistes, d’adopter des codes piochés dans ceux des faf-fe-s – proclamons que nous ne sommes pas forcément contre quelques « quotas », secouons-nous le drapeau céfran, hurlons en chœur « La Marseillaise » : bravo, comrade, quel beau succès.

Merci aux émissaires de la gauche « radicale » qui ont hardiment psalmodié qu’il convenait, dans le combat contre l’extrême droite, de renoncer aux « postures morales » (laissons cela aux bobos prélassé-e-s dans la bien-pensance et l’inacceptation du fascisme), pour mesurer plutôt que Jojo vote certes (et en toute connaissance de cause) pour l’abjection raciste, mais qu’il est quand même gentil, tavu : viens, plutôt que de le culpabiliser, on va prendre l’apéro avec lui, c’est comme ça qu’on lui remontrera (entre deux tranches de saucisson) que la vérité est ailleurs.

Merci aussi à qui, dans cette « gauche de la gauche », aura fidèlement ululé, avec quelques fortes figures de la réaction désinhibée, que l’islamophobie n’existait pas, et qu’il convenait en somme de se défier autant des musulman-e-s que de qui les stigmatisait à longueur de tribunes, parce que bon, « la laïcité », bordel.

Franchement ? C’était finement joué : surtout ne changez rien.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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