Démission du général de Villiers : une « violation du Parlement » ?

L’annonce marque la fin d’une semaine de graves tensions entre le Président et le chef d’état-major des armées. Mais elle signe aussi un mépris de l’exécutif à l’égard des députés.

Hugo Boursier  • 19 juillet 2017
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Démission du général de Villiers : une « violation du Parlement » ?
© photo : Michel Euler / POOL / AFP

L’entretien en tête-à-tête qu’Emmanuel Macron avait prévu d’avoir ce vendredi 21 juillet avec le chef d’état-major des armées est maintenu. Mais c’est le général François Lecointre que recevra le chef de l’État en lieu et place du général Pierre de Villiers. Dans un communiqué rendu public ce matin, ce dernier a en effet annoncé sa démission de ce poste. Une première dans la Ve République.

Cette décision est l’épilogue d’une semaine qui a vu le Président affirmer brutalement son autorité sur cet officier qui avait osé contester la coupe budgétaire affectant les armées. Devant les militaires comme dans la presse. Le jeudi 13 juillet à l’hôtel de Brienne, il déclarait : « Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. Je suis votre chef. » Trois jours plus tard au JDD : « Si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au président de la République, le chef d’état-major des armées change. »

Dont acte. Dans son communiqué, Pierre de Villiers explique :

Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français.

Mais sa démission illustre surtout la mise sous le tapis de la moindre contestation. Cette volonté autoritariste s’applique déjà dans les débats parlementaires, où l’opposition est malmenée, et les déclarations de députés La République en marche, contrôlées.

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Là, elle se prolonge dans les rangs de l’armée, fussent-ils au sommet de la hiérarchie, de Villiers étant le militaire le plus décoré de France. Or ce dernier n’a fait qu’exprimer devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, réunie à huit-clos, et en réponse à une question d’un parlementaire, son désaccord sur la coupe budgétaire de 850 millions d’euros, annoncée le 11 juillet par Gérald Darmanin au Parisien.

Ses propos ayant fuité dans la presse, le Président s’est ému des vives réticences du général. Et a tout fait pour le pousser au départ… Avant de le remplacer sans délai par l’officier général François Lecointre, chef de cabinet militaire du Premier ministre, un poste qu’il occupait déjà auprès de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve.

Le chef du groupe des députés Nouvelle Gauche, Olivier Faure, est revenu sur ce remplacement lors des questions au gouvernement. Interpellant Édouard Philippe, il a dénoncé « une crise diplomatique » par la « violation du Parlement », avec un « message limpide : “Silence dans les rangs !” » Un autoritarisme qualifié par le député d’« indécente jouissance d’un pouvoir personnel ».

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