« Après l’ombre », de Stéphane Mercurio : Pourquoi tant de peine ?

Après l’ombre, de Stéphane Mercurio, explore la problématique des longues détentions.

Jean-Claude Renard  • 28 mars 2018 abonné·es
« Après l’ombre », de Stéphane Mercurio : Pourquoi tant de peine ?
© photo : DR

Éric, dix-neuf années de réclusion ; Alain, quatorze ans ; Louis, dix-huit ans ; André, trente-cinq ans ; et Annette, compagne d’un détenu, huit ans durant. Tous réunis sous la houlette du metteur en scène Didier Ruiz, qui entend relater l’univers carcéral dans un spectacle vivant à travers la voix d’anciens détenus ayant effectué une longue peine. Mais comment vit-on une longue peine ? Comment négocier avec elle ensuite ?

Se succèdent les souvenirs, des souffrances ancrées dans la caboche, entre inhumanité et privations iniques. L’un se remémore : « J’suis sorti un peu perdu ; rentré avec une famille, des enfants, une mère, un frère, ressorti sans plus personne. » Libéré « une main derrière, une main devant ». Un autre évoque ses neuf années d’isolement. Soit un enfermement dans l’enfermement, sans jamais adresser la parole à personne. « À quoi bon ? » À chacun son histoire, son témoignage brut de décoffrage, sans artifice.

Avec Après l’ombre, son troisième documentaire consacré à la prison (À l’ombre de la République ; À côté), Stéphane Mercurio propose une réflexion sur les conditions d’incarcération et plus encore sur le sens de la peine, a fortiori quand elle dépasse plusieurs années. Et c’est au bout des meurtrissures, non pas que la pièce aboutit, mais que se libère la parole, dans le flot des confessions, des échanges, des répétitions théâtrales. En jeu, une reconstruction psychologique et physique – car il s’agit aussi d’occuper l’espace quand on en a été longtemps privé. À la clé, une dignité à retrouver.

Alternant répétitions, discussions, cours de danse et représentations, la réalisatrice filme à son habitude dans la fleur des nerfs, avec discrétion et pudeur. Reste un réquisitoire tendu et sidérant.

Après l’ombre, Stéphane Mercurio, 1 h 33.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes