Les étages de la mémoire

Avec Les Enfants du 209, rue Saint-Maur, Ruth Zylberman revient sur l’histoire tragique d’un immeuble parisien.

Jean-Claude Renard  • 30 mai 2018 abonné·es
Les étages de la mémoire
© photo : Cedric Dupire-Zadig Productions

Paris aujourd’hui, Paris dans l’entre-deux-guerres et sous l’Occupation. Durant plusieurs années, Ruth Zylberman a enquêté pour retrouver les anciens locataires du 209, rue Saint-Maur, dans le Xe arrondissement. Au moment du Front populaire et jusqu’aux lois de Vichy, et la rafle du Vel d’Hiv, trois cents habitants logeaient là. Près d’un tiers étaient des étrangers, juifs venus de Pologne ou de Roumanie. Des artisans, des ouvriers, des fonctionnaires.

Redessinant le cadre de ce corps de bâtiments, avec ses quatre immeubles, ses cages d’escalier, ses toilettes sur le palier, la cinéaste réactive les lieux. La famille nombreuse Diamant à tel étage, les Baum deux étages plus bas, les Osman à côté de la concierge, Mme Massacré, un policier et l’épicerie de Mme Haimovici au coin de la rue…

D’un côté, la réalisatrice utilise des images d’archives, des incrustations historiques, des éléments miniatures en guise d’illustrations pour représenter les appartements, et, de l’autre, elle redonne vie aux existences oubliées en retrouvant les survivants du 209, à Paris, en banlieue, en province, à Tel-Aviv ou aux États-Unis. Les témoignages s’additionnent, les anecdotes surgissent sur l’insouciance régnant dans ce qui ressemblait alors à une communauté avant de basculer.

Les souvenirs vont et viennent, les plus tragiques remontent en surface, entre arrestations et arrachements familiaux. Cinquante-deux personnes ont été déportées, d’autres protégées, cachées. Calé sur le fil de l’émotion, Les Enfants de la rue Saint-Maur tient de bout en bout sur le dynamisme de ce travail de mémoire, entre hier et aujourd’hui, dans la confrontation entre le passé et le présent, les locataires actuels s’ajoutant aux histoires, à une mémoire collective et individuelle.

Les Enfants du 209, rue Saint-Maur, mardi 5 juin, à 22 h 20, sur Arte (1 h 40) et sur Arte + 7, jusqu’au 12 juin.

Culture
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