Effondrements en chaîne

L’humanité se trouve confrontée à un risque de disparition ou d’implosion de ses sociétés.

Jérôme Gleizes  • 12 septembre 2018 abonné·es
Effondrements en chaîne
© photo : PHILIPPE ROY / Aurimages / AFP

C ******et été, des records de température** ont été battus. Le plus inquiétant est le réchauffement arctique, où les 33 °C (15 °C au-dessus des moyennes) ont été atteints à l’extrémité nord de la Scandinavie. Ce phénomène, deux à quatre fois plus rapide que sur le reste de la planète, est analysé par des scientifiques dans un article paru dans Nature (1). La question d’un point de non-retour se pose de plus en plus, c’est-à-dire l’incapacité de notre société d’empêcher l’emballement climatique. Aujourd’hui, les pires scénarios deviennent de plus en plus probables.

Pourtant, les différents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) analysent et proposent des solutions depuis 1990. Les équations de Kaya ou d’Ehrlich – qui décomposent l’émission des gaz à effet de serre (GES) selon le contenu carbone du modèle énergétique, l’intensité énergétique du modèle de croissance, le niveau de vie moyen de la population et le nombre d’habitants sur la planète – nous indiquent les objectifs à atteindre. Le Giec recommande une division par trois des GES pour éviter un emballement climatique. Mais, en 2017, les émissions de CO2 ont bondi de 1,8 % en moyenne dans les 28 pays européens, et même de 3,2 % en France. Selon le Commissariat général au développement durable, la consommation finale énergétique a crû de 0,9 % à climat constant, et la facture énergétique du pays a bondi de 23 %, alors qu’elle avait baissé de 56 % entre 2012 et 2016 (2).

Nous sommes loin de l’accord de Paris. Dans un tel contexte, la démission de Nicolas Hulot était inévitable, tellement il incarnait un Tina (« There is no alternative ») écologiste. « On s’accommode de la gravité et on se fait complice », a-t-il ainsi déclaré. Aujourd’hui, l’effondrement de nos écosystèmes est possible, entraînant celui de nos sociétés. La planète peut continuer son évolution avec une espèce vivante en moins. Depuis la publication, en 2012, dans Nature (3) d’un article décrivant les différents scénarios d’effondrement de la biosphère, cette question est cruciale et a même créé son propre domaine de recherche, la collapsologie. L’humanité se trouve confrontée à un moment singulier de son histoire, le risque de sa disparition ou, plus exactement, de l’implosion de ses sociétés.

Au XXe siècle, l’humanité a vécu deux guerres mondiales et le risque de l’autodestruction nucléaire ; le XXIe siècle, lui, est confronté au risque d’implosion planétaire, ce que d’autres civilisations ont vécu « localement », tels les Mayas ou les Égyptiens. Au lieu d’engager un combat planétaire, les politiques baissent les bras, se contentant d’un discours sur l’adaptation. À l’inverse, les ultra-riches s’y préparent, soit en se construisant des abris ultra-sécurisés, soit en privatisant la conquête de l’espace, comme Elon Musk ou Jeff Bezos. Nous avons aujourd’hui le choix entre une implosion inégalitaire et un sursaut collectif.

(1) Nature Communications, vol. 9, art. n° 2959, nature.com

(2) « Bilan énergétique de la France métropolitaine en 2017, données provisoires », www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr

(3) Nature, vol. 486, p. 52-58.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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