Après le massacre, les affaires continuent

La France a continué de vendre des armes à l’Égypte malgré les informations relatives à leur utilisation abusive.

Sébastien Fontenelle  • 24 octobre 2018 abonné·es
Après le massacre, les affaires continuent
© photo : Pavel Golovkin / POOL / AFP

L****a semaine dernière, t’en souvient-il, on déplorait ici que M. Macron puisse tout à la fois s’offusquer de l’élimination de l’opposant saoudien Jamal Khashoggi et, en même temps, continuer à soutenir activement les ventes de matériels militaires français à Riyad. Et cela était un peu injuste car, en vérité, la France sous M. Macron (tout comme sous son prédécesseur « socialiste », M. Hollande) ne vend pas des armes qu’à l’Arabie saoudite : depuis de longues années, elle en exporte aussi beaucoup vers l’Égypte du maréchal Sissi – où des blindés français fabriqués par Renault Trucks Défense se sont ainsi, et par exemple, retrouvés « au cœur » d’une abominable « répression » dans laquelle des manifestants ont parfois été abattus depuis le couvert de ces véhicules. C’est ce qui ressort d’un rapport publié la semaine dernière par Amnesty International, au terme d’une longue et minutieuse enquête.

Selon ce document, les autorités françaises ont continué à « autoriser des licences à l’exportation de blindés, de pièces et de composants connexes » vers l’Égypte « jusqu’en 2017, bien après que des informations crédibles relatives à leur utilisation abusive » ont été réunies – et alors même que « les États membres de l’Union européenne (UE) » avaient décidé « de suspendre les licences d’exportation vers l’Égypte de matériels utilisés à des fins de répression interne ».

Or, la France, « État partie au Traité sur le commerce des armes », est tenue par ce traité. Et ne peut donc « pas autoriser de transferts d’armes » vers des pays où « existe un risque substantiel »qu’elles « puissent être utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves » des « droits humains ». Au surplus, les règles du Conseil de l’Union européenne régissant « le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires » lui font obligation de « refuser l’autorisation d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne ». Elle devrait donc, demande Amnesty, « cesser tout transfert » vers l’Égypte « de matériels susceptibles de servir à la répression interne, y compris des véhicules blindés, des armes légères, des équipements à létalité réduite et leurs munitions utilisés pour assurer le maintien de l’ordre lors de manifestations et dans les lieux de détention ».

Mais le gouvernement français n’entend manifestement pas renoncer pour si peu à un si juteux marché – en sorte que Florence Parly, ministre de la Défense, interrogée par des parlementaires sur le rapport d’Amnesty, a continué à soutenir, exactement comme si ce document accablant n’existait pas, que les armes que la France vend à l’Égypte ne servaient pas à réprimer des civils, avant de se féliciter du maintien entre les deux pays d’« une relation forte en termes d’exportation d’armements ».

Car, en somme, que représentent les vies de quelques centaines de manifestants quand tant de milliards sont en jeu ?

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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