Quel big bang fiscal ?

Une étude de l’OFCE et une autre de l’Institut des politiques publiques (IPP) montrent que les réformes fiscales du gouvernement favorisent les plus riches et accroissent les inégalités, à rebours de la logique redistributive de l’impôt.

Jérôme Gleizes  • 29 janvier 2019 abonné·es
Quel big bang fiscal ?
© photo : LUDOVIC MARIN / AFP

L’élection d’Emmanuel Macron marque une série de ruptures dans le modèle fiscal français. La première de ces ruptures est de privilégier les classes sociales les plus aisées, en espérant que celles-ci investissent afin de créer de la richesse et des emplois. Cette vision va moins loin que la théorie du ruissellement, qui postule que l’enrichissement des plus riches enrichit l’ensemble de la société par l’investissement des premiers ou leur consommation. Une étude de l’OFCE et une autre de l’Institut des politiques publiques (IPP) montrent que les réformes fiscales du gouvernement favorisent les plus riches et accroissent les inégalités, à rebours de la logique redistributive de l’impôt : « L’impact redistributif des mesures [fiscales] pour les ménages devrait être en 2018 largement au bénéfice des 2 % de ménages du haut de la distribution, qui sont ceux qui détiennent le capital mobilier le plus important. A contrario, pour les ménages du bas de la distribution, les revalorisations en fin d’année des minima sociaux ne compenseront pas le relèvement de la fiscalité indirecte. »

En 2019, « à eux seuls […] les 2 % les plus riches capteraient 42 % des gains à attendre de la mise en place des mesures (1) ». « Les 1 % des ménages les plus aisés, quel que soit leur statut d’activité, voient leur revenu disponible augmenter en moyenne de 6,4 % du fait du remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière (2). »

Si l’enrichissement des plus riches est une réalité économique, il en va tout autrement de l’impact macroéconomique de ces mesures. La réalité est que Macron a favorisé les 1 % les plus riches au détriment du peuple. Il a favorisé celles et ceux qui ont contribué à son élection. La démocratie censitaire n’est pas une vraie démocratie.

La deuxième rupture a été présentée comme l’instauration d’une fiscalité écologique pour « sauver la planète » à travers la taxe carbone. La réalité est que cette mesure visait à financer le CICE et la suppression des cotisations sociales. Il n’y avait aucune volonté de créer une véritable contribution climat énergie (CCE). Tout comme les cotisations sociales ne sont pas des charges, une CCE écologiste ne doit pas être un impôt ordinaire, un simple prélèvement sur les revenus. Elle doit être la contribution de la société à son impact sur le dérèglement climatique, la mesure de ce que les économistes appellent une externalité négative. La véritable rupture de Macron était en fait de supprimer en catimini le modèle français de protection sociale à travers son pilier principal de financement, celui des cotisations, qui sert à financer un salaire indirect quand un salarié est malade, accidenté du travail, au chômage ou à la retraite. Augmenter le salaire net en coupant les ressources des régimes de Sécurité sociale est de la rhétorique nauséabonde par laquelle on redistribue au sein de la classe moyenne et/ou défavorisée.

Un autre big bang fiscal serait de réinstaurer un impôt sur le revenu plus progressif et une CCE appuyée sur les émissions de gaz à effet de serre, incluant les entreprises polluantes qui en sont aujourd’hui exclues.

(1) « Budget 2018 : pas d’austérité mais des inégalités », Pierre Madec, Mathieu Plane et Raul Sampognaro, OFCE-Sciences Po Paris, Policy brief n° 30, 15 janvier 2018.

(2) « Budget 2019 : quels effets pour les ménages ? » Mahdi Ben Jelloul, Antoine Bozio, Thomas Douenne, Brice Fabre et Claire Leroy, Institut des politiques publiques, Les Notes de l’IPP n° 37, janvier 2019.

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