EELV : Un congrès pour transformer l’essai

Les militants verts devront désigner leurs dirigeants en novembre. Ils plaident pour l’unité mais peinent à se rassurer.

Agathe Mercante  • 16 octobre 2019 abonné·es
EELV : Un congrès pour transformer l’essai
© photo : David Cormand, Julien Bayou, Karima Delli et Jacques Boutault lors du meeting de lancement des municipales à Paris, le 24 septembre.crédit photo : Michel Stoupak/NurPhoto/AFP

La photo était belle au mois d’août. Réunis à Toulouse pour les journées d’été du parti, Yannick Jadot, David Cormand, Eva Sas, Alain Coulombel et Karima Delli affichaient un sourire radieux. Toutes les mouvances d’Europe Écologie-Les Verts étaient rassemblées et se félicitaient encore du bon résultat (13,4 %) de la liste portée par Yannick Jadot aux élections européennes. Ragaillardis, après des années de vaches maigres, par la montée de la conscience écologique des Français – et des Européens – et l’engouement provoqué par les manifestations pour le climat, les écologistes tentaient de préparer sereinement le congrès du parti, qui se tiendra fin novembre à Saint-Denis (93), et d’en éloigner les querelles qui les ont divisés tant de fois auparavant. À l’époque, les cadres espéraient regrouper toutes les tendances et têtes du parti autour d’une unique « motion d’orientation ».

Le 10 octobre, date limite de dépôt des motions, ce n’est pas un mais quatre textes qui ont été déposés en vue du vote des 8 000 adhérents d’EELV : « L’Écologie au pouvoir, grandir ensemble pour gagner enfin », porté par la direction sortante, incarné par l’un de ses porte-parole, Julien Bayou ; « Le Temps de l’écologie », présenté par l’ancienne députée Eva Sas et soutenu, officieusement, par Yannick Jadot ; « Le Souffle de l’écologie, retouchons terre », porté par Alain Coulombel et Alain Lipietz ; et « Démocratie écolo » de Philippe Stanisière, soutenu par l’eurodéputée Karima Delli.

Si les deux derniers plaident pour un rapprochement des écologistes et des mouvements de gauche récemment convertis à l’écologie, les textes proposés par Julien Bayou et Eva Sas se rejoignent sur la nécessité de faire cavalier seul et de remplacer le clivage gauche-droite par un triangle idéologique entre nationalistes, libéraux et écolos. « Il y a ceux qui pensent que l’écologie politique doit s’imposer et ceux qui veulent raviver la flamme de la social-démocratie », résume un élu.

Mais, assure-t-on, ces « différences » n’empêcheront pas la tenue d’un congrès « apaisé ». Une motion unique aurait été une première pour les Verts. « Ça se passe de la meilleure manière qui soit », estime Julien Bayou. « C’est plutôt normal, c’est bien qu’il puisse y avoir un débat politique plutôt qu’un consensus mou », plaide Alain Coulombel, secrétaire national adjoint d’EELV. Entre les deux textes favoris – celui de la direction sortante et celui d’Eva Sas –, les différences ne sautent pas aux yeux. « Sur le fond, il n’y en a pas énormément », confirme Alexis Braud, proche de Yannick Jadot et signataire du « Temps de l’écologie ». « Ceux qui disent qu’il y a des différences, c’est ceux qui ont rallié la droite macroniste », attaque-t-il. Une affaire, nous dit-on, de personnalités plus que de fond. « La question, c’est : “quelle équipe pour incarner le mouvement ?” », explique Julien Bayou. « La direction actuelle a appliqué la demande des militants et a porté la ligne de Yannick Jadot avec engagement et loyauté », confirme Mounir Satouri. Et maintenant ? « Il faut une relation de confiance entre le parti et Yannick Jadot », euphémise Eva Sas.

Voilà pour le discours. Car plusieurs, au sein d’EELV, voient une différence. Pas sur les textes, mais sur la philosophie politique qui habite leurs porteurs. « La motion de Julien Bayou inclut aussi un volet social inhérent à l’écologie », estime une cadre. « C’est moins lisible dans celle d’Eva Sas, disons qu’ils sont plus ouverts à l’économie de marché », précise-t-elle. « Il y a chez quelques-uns la tentation d’aller faire campagne au centre-droit », confirme Alain Coulombel. De quoi nourrir les inquiétudes des militants : « Si la liste d’Eva Sas est en tête, je prendrai mes distances », nous confie un militant. « En cas de virage au centre-droit, je ne les suivrai pas », glisse une autre.

« Nous n’en sommes pas là », rassure Alain Coulombel. « On va arriver à se mettre d’accord », résume la sénatrice de Paris Esther Benbassa. Le travail qui attend la future direction du parti est titanesque : élections municipales en 2020, élections régionales et départementales en 2021, élection présidentielle en 2022… La direction devra confirmer l’essai des européennes, proposer une synthèse pour satisfaire tous les militants et monter l’écurie présidentielle pour amener, qui sait, EELV à l’Élysée. Pour ne pas retomber dans ses vieux travers et maintenir l’unité, le parti mise sur la bonne volonté de tous ses représentants. Les lendemains de congrès ne chantent pas toujours chez les écologistes, mais, veut croire un cadre, « les perdants font la gueule un mois et puis ça repart ».

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