Tant qu’il y a du noir…

L’envie me démange de partager ici des enthousiasmes de lecture.

Sébastien Fontenelle  • 11 décembre 2019 abonné·es
Tant qu’il y a du noir…
© JOEL SAGET / AFP

Mais vous, dites-moi : vous ne trouvez pas que ça manque un peu de littérature(s) de genre, des fois, dans Politis ? De romans noirs, par exemple ? Parce que moi, si : je trouve, des fois. Et donc, je vais bientôt supplier mes chefs de bien vouloir me confier une chronique dédiée à cet univers peuplé aussi d’épatant·e·s auteurs et autrices.

En attendant, et parce que ça fait longtemps que l’envie me démange de partager ici ces enthousiasmes de lecture, voici une sélection, forcément compendieuse (1) – puisqu’il ne me reste plus que 2 152 signes –, de quelques récents et remarquables titres.

D’abord le nouveau livre de Craig Johnson : Dry Bones (2), douzième aventure traduite en français de Walt Longmire, charismatique shérif du comté (imaginaire) d’Absaroka (Wyoming, États-Unis) qui se trouve confronté cette fois-ci à la double découverte, en territoire cheyenne, des ossements d’un tyrannosaure et du cadavre d’un natif, et de son impavide mais redoutable ami et acolyte amérindien Henri Standing Bear, lequel est assurément l’un des personnages les plus intéressants de cet attachant cycle et de ce genre littéraire tout entier.

Puis Mafioso (3), troisième volume d’une tétralogie annoncée de Ray Celestin : ce Londonien, nouveau venu dans le monde du polar, a réussi à installer, en trois livres donc, un décor passionnant car très minutieusement reconstitué – les États-Unis au début puis au mitan du siècle dernier, de La Nouvelle-Orléans à Chicago puis, ici, à New York –, et à imposer dans un univers encore trop dominé par des premiers rôles masculins une très remarquable héroïne : l’enquêtrice Ida Davis, ex-détective chez Pinkerton (et amie de longue date d’un trompettiste virtuose du nom de Louis Armstrong).

Puis encore, Formation d’élite (4) : une nouvelle aventure de Jack Reacher, qui est sans nul doute, et à l’image de l’écriture toujours plus resserrée de l’auteur – Lee Child –, le protagoniste le plus décroissant du roman hard boiled contemporain (5), puisque cet ancien policier militaire, que l’on suit ici dans une mission durant laquelle il se trouve notamment confronté – dommage pour eux – à des néonazis, possède, en tout et pour tout, une brosse à dents et une carte de retrait.

Puis, enfin, l’éblouissant La Frontière (6), qui aurait à lui seul mérité qu’une chronique entière lui soit consacrée, et dans lequel Don Winslow clôt l’étourdissante trilogie, commencée il y a quinze ans, où il a raconté quatre décennies de la putride guerre états-unienne contre les cartels mexicains de la drogue : un finale monumental, d’une intensité presque hallucinatoire – et l’un des anathèmes les plus extraordinairement cinglants que la littérature ait lancés contre le trumpisme.

(1) J’adore ce mot, qui fait partie, hélas, des plus difficiles à placer – avec « pierre ponce » et quelques autres.

(2) Dry Bones, Craig Johnson, Gallmeister, 352 pages, 23,20 euros.

(3) Mafioso, Ray Celestin, Le Cherche-Midi, 600 pages, 23 euros.

(4) Formation d’élite, Lee Child, Calmann-Lévy, 427 pages, 21,90 euros.

(5) À défaut d’être le moins yankee, dans tout ce que cette caractérisation (com)porte aussi de contrasté…

(6) La Frontière, Don Winslow, Harper Collins, 846 pages, 23,90 euros.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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