Vers une sortie de l’ère industrielle

Une condition incontournable et trop souvent oubliée : la réduction de la taille des organisations productives.

Mireille Bruyère  • 15 juillet 2020
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Vers une sortie de l’ère industrielle
© Thomas Warnack / DPA / dpa Picture-Alliance

Quel est le contenu de la transition écologique tant souhaitée par tous ? Pour les grandes entreprises capitalistes et leurs soutiens gouvernementaux, la transition écologique est uniquement technologique. Elle signifie aider les entreprises à remplacer leurs processus de production carbonés par d’autres moins carbonés. Le plan de relance aéronautique propose 1,5 milliard d’euros d’aides publiques pour développer les technologies propres. Cette politique n’est pas écologique, l’aviation verte n’étant qu’un mythe pour encore longtemps. Or l’urgence écologique nous interdit d’attendre deux décennies pour des solutions technologiques hypothétiques.

L’autre axe de cette transition néolibérale soutient le remplacement des consommations des ménages par d’autres moins carbonées. C’est le cas pour le plan de soutien à l’automobile, dont une partie est la création d’un bonus écologique à l’achat d’une voiture électrique. Là encore, cette politique n’est pas du tout à la hauteur des enjeux qui doivent nous conduire à réduire dès maintenant nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de 6 % par an. Le remplacement volontaire ne peut que suivre le taux de renouvellement des véhicules, qui est autour de 5 % par an. Il faudrait au minimum 55 ans pour que le parc automobile français soit totalement décarboné (1).

Alors, que faire pour aller plus loin et plus vite ? À gauche, la critique des politiques néolibérales se fonde sur la dénonciation de la marchandisation du monde et appelle donc à l’investissement public et à la socialisation de certaines grandes entreprises stratégiques. Cette démarchandisation serait la garantie que les finalités productives des entreprises deviendraient écologiques et sociales. Si elle est une condition nécessaire, elle est insuffisante pour nous engager vers la baisse de la consommation d’énergie. Il reste une condition incontournable et trop souvent oubliée par la gauche : celle de la réduction de la taille des organisations productives. Les impasses politique et écologique actuelles sont liées à la taille industrielle de ces dernières, permise par les énergies fossiles et les technologies de l’information, et dont la mondialisation des chaînes de valeur est l’illustration. La transition agricole est un bon exemple : elle passe par l’agriculture paysanne et les circuits courts. C’est bien la désindustrialisation de l’agriculture dont il est question.

Ce sera aussi le cas pour la production des biens matériels durables. Elle devra s’appuyer sur des unités de production plus petites et locales si l’on veut réduire drastiquement la consommation d’énergie et les émissions de GES. C’est une bonne nouvelle, car cela va diminuer la productivité du travail et permettre un emploi pour tous dans ces organisations plus vivantes et conviviales. Trop souvent les propositions de transition écologique de gauche mêlent grands plans d’investissements publics pour développer des champions industriels nationaux verts et reconversion productive impliquant une sortie des modes de production industriels. Cette contradiction n’est-elle pas une des sources de l’impuissance révolutionnaire de la gauche ?

(1) Abstraction faite de l’empreinte carbone et matérielle de la production massive de batteries.

Mireille Bruyère Membre du conseil scientifique d’Attac.

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