André Baillon : Fou à relier

Méconnue en France, l’œuvre d’André Baillon est à l’image de son auteur : singulière, drôle et pétrie de douleurs.

Anaïs Heluin  • 16 décembre 2020 abonné·es
André Baillon : Fou à relier
© KEENE / BSIP / BSIP via AFP

Lorsqu’il entre au service psychiatrique de La Salpêtrière, « Jean Martin est content. Il sera parmi ses frères, “les pauvres et les humbles’’ ». Ce Jean Martin qui parle de lui à la troisième personne dès la première page de Chalet 1, c’est André Baillon (1875-1932), ou du moins un homme qui lui ressemble à s’y méprendre. Comme tous les Jean Martin peuplant l’œuvre de l’auteur belge, qui a dans son pays d’origine une certaine réputation mais est en France quasi inconnu. Praticien de l’autofiction avant l’heure, André Baillon est pourtant un cas littéraire et humain qui mérite d’être observé de près.

Les éditions Cambourakis s’emploient à sortir cet écrivain de l’ombre où il patiente depuis son suicide en 1932. La publication de Chalet 1 en poche offre une belle entrée dans son univers habité par une folie qui, en le tenant à l’écart de son époque, fait de lui notre contemporain.

Dans ce livre composé de courts chapitres écrits dans un style lui aussi lapidaire, tout en surprises de syntaxe et de vocabulaire, Jean Martin fait la chronique de sa vie au sein de l’hôpital parisien. André Baillon a en effet séjourné à la « Pépette » à la suite d’une relation compliquée avec sa belle-fille de 16 ans, qui apparaît dans le récit sous le nom de Michette. Ce n’est pas une posture pour l’auteur que de se dire le frangin de ses compagnons de galère. Sa langue simple et singulière, « syncopée », dit sa préfacière Bérengère Cournut, le met sur un pied d’égalité avec son ami Bornet, qui « ne parle pas comme tout le monde », et tous les autres.

Malades, médecins et infirmières sont les personnages d’un univers aux lois précises et étranges que le narrateur regarde toujours avec tendresse et humour. La folie, chez André Baillon, n’est pas chose qui isole mais particularité qui relie. C’est un chemin vers l’Autre, que l’on suit avec d’autant plus de bonheur qu’on ne sait où il nous mène.

Chalet 1****, André Baillon, Cambourakis, 202p., 10euros.

Littérature
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