Régionales : Le rassemblement attendra…

En dépit des risques, les partis de gauche et de l’écologie veulent se compter avant de s’unir au second tour, s’il y en a un.

Michel Soudais  et  Agathe Mercante  • 10 février 2021 abonné·es
Régionales : Le rassemblement attendra…
Conseil régional de Gironde, à Bordeaux.
© Philippe Roy / Aurimages via AFP

À bien des égards, le mois de juin semble loin. Difficile de penser une échéance électorale alors que la politique ne tourne qu’autour du Covid-19, de la pénurie de vaccins, d’un couvre-feu qui n’en finit pas. Repoussées en juin 2021, les élections régionales et départementales, qui devaient se tenir en mars, sont pourtant dans toutes les têtes des militants et dirigeants politiques. Les premières surtout. Aux enjeux locaux, importants depuis les réformes territoriales de l’ère Hollande qui ont redessiné la carte des régions et accru leurs compétences, s’ajoutent des enjeux politiques nationaux liés à la proximité de ce scrutin avec la présidentielle d’avril 2022. À droite, des présidents de région, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou Laurent Wauquiez, tous candidats potentiels en 2022, attendent de ces élections qu’elles renforcent leur candidature. La République en marche, craignant une raclée qui handicaperait Emmanuel Macron, n’a pas renoncé à reporter le scrutin au-delà de la présidentielle au prétexte des conditions sanitaires. À gauche, ces enjeux nationaux interfèrent également et ne favorisent pas le rassemblement. Si les discussions entre les différentes formations qui la composent ont débuté au lendemain des élections municipales qui ont vu triompher l’abstention et, dans une moindre mesure, Europe Écologie-Les Verts (EELV), elles n’ont guère contribué à réduire l’émiettement d’un camp où tous se disent soucieux d’éviter un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022.

Le Parti socialiste (PS) et EELV, alliés à plusieurs formations de moindre audience au sein d’un Pôle écologiste (1), se disputent l’hégémonie sur les élections régionales. Avec en ligne de mire l’espoir d’imposer à l’autre le candidat qui incarnera une candidature sociale et écologique. Un bon résultat d’Audrey Pulvar en Île-de-France pourrait renforcer les ambitions nationales d’Anne Hidalgo. Devancer en plusieurs régions les listes du PS serait un atout pour EELV. Le premier, fort de son ancrage local assis sur la présidence de cinq régions, joue sur la « prime aux sortant·es », et appelle au ralliement. Le second est persuadé que les inquiétudes climatiques et environnementales des Français·es le porteront au pouvoir.

Chez EELV, la volonté d’imposer des programmes de « rupture » prime. « Je préfère le terme “franchement écolo” à “rupture” », indique Hélène Hardy, en charge de superviser les campagnes d’un parti qui pratique la non-subsidiarité. Pour justifier la présentation de listes autonomes au premier tour, que permet le mode de scrutin de liste à deux tours des régionales, elle indique « on se retrouvera au second ! ». S’il y en a un…

En décembre 2015, alors que les élections régionales se tenaient à peine trois semaines après les sanglants attentats islamistes de Paris qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés, le Front national était arrivé en tête du premier tour dans six régions. Et si le parti d’extrême droite n’était pas parvenu à en gagner une seule, c’est au prix du lourd sacrifice de la gauche, contrainte de se désister au second tour en faveur de la droite en Paca et dans les Hauts-de-France, pour lui faire « barrage ».

« Nous essayons pourtant de créer des liens, de faire discuter tous les partis », explique Joséphine Delpeyrat, porte-parole de Génération·s. « EELV revendique l’idée qu’un rassemblement est possible, mais derrière eux », constate Pierre Lacaze, en charge des élections au PCF. Si le parti de Fabien Roussel admet « discuter avec tout le monde », c’est encore avec son allié de feu le Front de gauche, La France insoumise, qu’il s’entend le mieux. Le parti de Jean-Luc Mélenchon, pourtant favorable à construire de larges rassemblements, ne parvient pas à trouver une oreille attentive auprès d’EELV. « C’est parce que ses membres sont susceptibles de s’opposer à une alliance avec le PS au second tour, or chez EELV, la question est déjà tranchée : ils sont pour », nous explique-t-on. Peut-être aussi la volonté de ne pas favoriser un concurrent déjà en campagne pour la présidentielle.

(1) Font partie ce pôle : Génération·s, Génération écologie, le Rassemblement citoyen-Cap 21, l’Alliance écologiste indépendante et le Mouvement des progressistes.

Politique
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