« Un pays qui se tient sage », de David Dufresne : Vue sur les mots

Même en DVD plutôt que sur grand écran, Un pays qui se tient sage, de David Dufresne, frappe juste

Christophe Kantcheff  • 7 avril 2021
Partager :
« Un pays qui se tient sage », de David Dufresne : Vue sur les mots
© JOEL SAGET / AFP

David Dufresne le dit dans l’entretien accompagnant l’édition DVD de son film, Un pays qui se tient sage : les images des violences policières prises lors des manifestations des gilets jaunes, matière première de son documentaire, prennent toute leur dimension projetées sur un grand écran. Outre que cela atteste, avec d’autres préoccupations formelles, qu’on a bien affaire à du cinéma, ces propos ne laissent pas indifférent à l’heure où les salles sont fermées depuis des mois.

Heureusement, Un pays qui se tient sage a pu bénéficier d’une sortie en septembre dernier, marquant les esprits (lire Politis n° 1621, 30 septembre 2020). Rappelons le dispositif : une dizaine de duos de protagonistes, comme les nomme le réalisateur, sont face à des vidéos, les regardent et les commentent. On ne sait « d’où parlent » ces personnes, parce qu’elles ne sont pas identifiées – même si le spectateur peut deviner si elles sont plutôt du côté de l’institution policière ou non. Il n’empêche que ce principe écarte les a priori, fait disparaître la frontière journalistique entre témoins et sachants, et permet d’entendre avec plus d’acuité les paroles tenues.

Et il y en a, des paroles. Mettre des mots sur les images résulte d’une nécessité. Pas seulement dans un souci de contradiction – même si David Dufresne met en présence des points de vue radicalement opposés (comme le représentant du syndicat Alliance et le journaliste Taha Bouhafs). Mais aussi pour donner du sens, analyser le hors-champ, et tout bonnement voir mieux.

On mesure à quel point ce film est précieux, alors que les possibilités du débat sont aujourd’hui réduites. Et que des lois prévoient l’interdiction de la diffusion d’images des forces de l’ordre (l’article 18 de la loi séparatisme reprenant l’article 24 première mouture de la loi dite de « sécurité globale »).

Un pays qui se tient sage, David Dufresne, Potemkine (2 DVD).

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN
Récit 5 décembre 2025

« J’estime être victime de harcèlement » : Sand, réprimée pour rappeler la loi à un député ex-RN

À chaque événement public où se trouve Daniel Grenon, la militante d’Extinction Rebellion brandit une pancarte rappelant que « le racisme est un délit ». Un acte pour lequel elle a été convoquée plusieurs fois au commissariat et reçu un avertissement pénal probatoire.
Par Pauline Migevant
« Mektoub my Love : Canto Due » : un bien sage retour
Cinéma 2 décembre 2025 abonné·es

« Mektoub my Love : Canto Due » : un bien sage retour

Sept ans après, Abdellatif Kechiche complète son triptyque.
Par Christophe Kantcheff
Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche
Répression 28 novembre 2025

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche

Fin septembre, le gouvernement français a été interpellé par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les atteintes aux droits humains qu’entraînerait la dissolution d’Urgence Palestine. Politis a pu consulter la réponse du gouvernement, qui évacue les questions, arguant que la procédure est toujours en cours.
Par Pauline Migevant
Elena Mistrello, autrice italienne de BD expulsée : « Ce contrôle des frontières concerne tout le monde, en premier lieu les migrants »
Entretien 25 novembre 2025

Elena Mistrello, autrice italienne de BD expulsée : « Ce contrôle des frontières concerne tout le monde, en premier lieu les migrants »

Après son expulsion forcée en Italie, elle dénonce dans Politis les moyens de contrôle, de surveillance et de répression déployés par l’État contre les personnes migrantes et les militants.
Par Pauline Migevant