Vers une épargne verte

Laisser les banques créer de la monnaie, c’est ne pas contrôler les finalités des investissements.

Jérôme Gleizes  • 28 avril 2021
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Vers une épargne verte
© Joao Luiz Bulcao / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Au conseil de Paris d’avril, les écologistes ont fait adopter la création d’un dispositif de financement participatif vert et citoyen au bénéfice de la transition écologique. Comment utiliser l’épargne des classes populaires pour financer des projets de transition ? L’épargne n’est ni capitaliste ni anticapitaliste. Aristote fut l’un des premiers à décrire les échanges avec la chrématistique. La monnaie mesure uniquement la valeur des marchandises. Elle n’est que l’instrument de leur circulation et ne crée aucune valeur. Aristote fait la différence entre la valeur d’usage, celle qui détermine l’intérêt de posséder une marchandise et la valeur d’échange, celle qui détermine la capacité à échanger une marchandise contre une autre. Une épargne permet de créer des valeurs d’usage écologiste ou non. Mais elle peut être nécessaire comme avance en capital pour créer des valeurs d’usage futur, pour financer un investissement. Des panneaux photovoltaïques doivent être achetés avant de produire de l’électricité solaire. Il y a toujours un délai entre le moment du financement et le temps de la production.

L’alternative au financement par l’épargne est celui de la création monétaire, par les prêts des banques. Avec des taux aujourd’hui négatifs sur les marchés monétaires, cela pourrait se révéler pertinent. Keynes s’opposait au principe de l’école néoclassique de l’épargne préalable pour financer l’investissement. Il pensait au contraire que l’investissement devait être financé par la création monétaire, car il allait engendrer des revenus futurs permettant de générer une épargne ex-post pour rembourser l’emprunt initial.

Mais l’époque de Keynes était celle de la croissance sans crise écologique. Il faut aujourd’hui passer à la post-croissance et à de l’investissement qualitatif. Keynes défendait également l’équation de Cambridge, qui montre qu’il y a une équivalence entre le PIB en valeur et la quantité de monnaie multipliée par la vitesse de circulation de celle-ci. En effet, un euro qui circule dans une économie permet de réaliser une opération, comptabilisée dans le PIB. Ce même euro permet de réaliser plusieurs opérations économiques. Sur une année, cet euro achète plus ou moins rapidement selon la vitesse de transaction v, qui dépend des habitudes de paiement (liquide, chèques, carte bleue…). v est stable à court terme. Donc, pour avoir de la croissance, la hausse du PIB, il faut également une hausse de la monnaie en circulation, ou plus exactement avoir plus de création monétaire (nouveaux prêts) que de destruction monétaire (remboursement de prêts). Laisser les banques créer de la monnaie, c’est ne pas contrôler les finalités des investissements, or les banques sont accusées d’écocides (1). Donc on n’agit pas sur la crise.

Pour financer des investissements utiles socialement et écologiquement, nous pourrions imposer le patrimoine des plus grandes fortunes qui se sont enrichies durant la crise du Covid-19, mais le plus simple est de leur allouer l’épargne populaire. Et l’épargne des ménages a sensiblement augmenté durant la crise, en raison de la consommation empêchée.

Par Jérôme Gleizes Enseignant à Paris-8.

(1) « La place financière de Paris au fond du puits », rapport des Amis de la Terre France et de Reclaim Finance, mai 2020.

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