Avignon : Un Off aux petits oignons

Conscients des dérives de ce rendez-vous théâtral, divers acteurs ont planché pendant un an et formulent aujourd’hui des propositions.

Anaïs Heluin  • 5 mai 2021 abonné·es
Avignon : Un Off aux petits oignons
© BERTRAND LANGLOIS / AFP

Aura-t-il lieu ? Si oui, dans quelles conditions ? Ces questions sont particulièrement sensibles concernant l’un des grands événements estivaux, le Festival d’Avignon, prévu à ce jour à partir du 5 juillet. Le Off, surtout, qui rassemble chaque année plus de 1 500 compagnies à l’intérieur des remparts de la ville, est de toutes les discussions entre professionnels du spectacle vivant. Annulé pour cause de Covid-19 l’an dernier – de même que le In –, ce rendez-vous constitue un enjeu économique majeur pour l’un des secteurs les plus touchés par la crise actuelle. Pour les quelque 300 membres des États généraux du Off (Egoff), il n’y a donc aucun doute. « Le Festival Off 2021 doit avoir lieu », lit-on dans leur tribune parue dans Le Monde du 27 mars. Mais pas n’importe comment.

Depuis avril 2020, les Egoff font le constat des dérives anciennes du Off et travaillent à des propositions susceptibles de le réguler. Lancée en plein premier confinement, une pétition appelant aux États généraux du Off résumait bien la raison d’être du tout jeune mouvement : la crise actuelle, y disaient ses auteurs, « éclaire d’une froide cruauté les innombrables fragilités du festival Off, colosse aux pieds d’argile ».

Réunis derrière ces mots, quatre organismes appelaient au dialogue entre tous les acteurs impliqués dans le festival : la fédération de compagnies professionnelles Les Sentinelles, les Actrices et acteurs de France associés (Aafa), les Écrivains associés du théâtre (EAT) et le Syndicat national des arts vivants (Synavi). L’appel a porté ses fruits. Ce 26 avril, les sept commissions constituées par les Egoff présentaient les premiers résultats d’un travail qu’ils vont continuer de mener pendant deux ans.

C’est au Pavillon Villette, à Paris, que s’est tenu, à huis clos, le rendez-vous, accessible en visioconférence. Représentée par -Laurent Domingos, des -Sentinelles, la commission « Synergie lieux/compagnies » incarne bien la réussite du mouvement : « mettre autour de la table, autour d’enjeux communs, des acteurs qui avaient jusque-là tendance à s’opposer ». Face à l’augmentation constante du nombre de spectacles et à l’envolée des coûts pour les compagnies et les spectateurs, les directeurs de théâtre, les artistes et autres membres de ce premier groupe de réflexion ont émis l’idée d’un label. «Inclusif et incitatif, il permettrait de distinguer les théâtres qui rémunèrent correctement les compagnies et qui s’engagent vraiment auprès d’elles, qui leur témoignent une réelle solidarité», exprime le rapporteur de la commission, avant de laisser place au compte rendu d’un autre chantier : la « synergie avec les publics ».

Coprésidente de l’Aafa, Sophie-Anne Lecesne expose les trois projets nés au sein de son groupe. À commencer par l’organisation d’un colloque de chercheurs et d’artistes qui permettrait de connaître plus précisément les personnes qui fréquentent In et Off, d’appréhender ce qu’elles y recherchent et ce qu’elles y trouvent vraiment. Elle évoque aussi la création d’une plateforme destinée aux acteurs locaux, « pour leur permettre de penser le festival sur la durée, d’affirmer son ancrage sur le territoire et de sortir de la logique purement événementielle qui prévaut aujourd’hui dans le Off ». Enfin, la création d’un village théâtral et convivial hors les murs, tenu par des habitants, pourrait «permettre de rompre la barrière des remparts».

Les commissions suivantes poursuivent dans le même esprit, celui qui fut à l’origine du festival avant de céder aux tentations lucratives de certains, guère freinées par une quelconque instance de régulation. En imaginant également des systèmes de solidarité entre compagnies installées et plus émergentes, ou encore des modes de logement et de restauration fondés sur les principes de l’économie sociale et solidaire, c’est non seulement la nécessaire transformation du plus grand festival théâtral de France que disent les Egoff, mais aussi celle de l’ensemble d’un secteur.

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