Climat : trois axes contre l’inertie politique

Face aux renoncements des exécutifs à réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous devons nous saisir de chaque débat, donnée scientifique ou évolution du discours institutionnel.

Maxime Combes  • 30 juin 2021
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Climat : trois axes contre l’inertie politique
Une dune effondrée, le 14 février 2020 à Gouvilles-sur-Mer, dans la Manche, à la suite de la tempête Ciara.
© LOU BENOIST / AFP

Au printemps 2020, on nous avait promis que rien ne serait plus comme avant, que les leçons de la pandémie de covid-19 seraient tirées. Que notre « modèle de développement » serait revu, que des décisions de rupture seraient prises et que des biens et des services seraient placés en dehors des lois du marché.

Un an plus tard, les promesses d’un monde d’après ont été renvoyées aux calendes grecques. Balayées par une Union européenne et des États membres plus soucieux de sauver un appareil productif insoutenable que de le transformer. Ruinées par des entreprises multinationales, qui bénéficient finalement d’une grande part des plans d’urgence et de relance sans aucune conditionnalité sociale, fiscale ou écologique (1). Enterrées enfin par un exécutif et une majorité En marche qui ont érigé la procrastination climatique en horizon indépassable.

« Il y a la volonté d’y aller tranquille », s’est récemment justifiée Barbara Pompili à propos d’une énième reculade : la date d’interdiction pour l’installation de nouvelles chaudières à fioul a été reportée à juillet 2022. Édulcorée, vidée de sa substance, la loi climat ne satisfait aucun des objectifs climatiques assignés à la France pour les prochaines années, notamment le nouvel objectif européen d’une réduction de 55 % d’ici à 2030 des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport au niveau atteint en 1990.

C’est un premier point de bascule dont nous devons nous saisir. Le sort qu’Emmanuel Macron et son gouvernement ont réservé aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat est une formidable démonstration : contrairement à ce qui a été dit pendant des années, l’inertie des politiques climatiques n’est pas due aux « Gaulois réfractaires » mais résulte du refus, par l’exécutif, de prendre des décisions qui touchent à la puissance des lobbys, aux pouvoirs et aux droits acquis des grandes entreprises ou aux règles qui organisent notre insoutenable machine à réchauffer la planète qu’est notre système économique.

Le deuxième point de bascule est encore plus puissant : le réchauffement climatique se conjugue au présent. Nous en faisons toutes et tous l’expérience dans nos vies. Parce que nous connaissons des paysans dont les cultures sont ravagées par des gelées tardives, la sécheresse ou des inondations plus fréquentes. Parce que nous ne supportons pas ces canicules plus nombreuses, plus chaudes et plus longues. Ou encore parce que nous voyons les glaciers fondre, les montagnes s’écrouler, les rivières s’amenuiser ou le trait de côte reculer.

Or, que nous disent les scientifiques ? Que ces phénomènes vont malheureusement s’accélérer de façon plus intense et plus rapide que prévu. Une version préliminaire du rapport que les experts du Giec publieront en 2022 pose les enjeux : « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. »

Près de 130 millions de personnes pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans, des centaines de millions d’habitant·es de villes côtières seront menacé·es par des vagues-submersions d’ici à 2040, 420 millions de plus vivront des canicules extrêmes. À la fatalité opposons un travail systématique, résolu et de long terme avec tou·tes celles et ceux qui se retrouvent en première ligne : organisons-nous pour ne pas laisser les plus démuni·es, de la Roya aux quartiers populaires, des paysan·nes aux migrant·es, faire face seul·es et sans ressources.

Enfin, un troisième point de bascule s’offre à nous. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de reconnaître ce que nous disons depuis des années : il ne faut plus investir dans de nouvelles installations pétrolières ou gazières. À l’échelle des institutions internationales, c’est une révolution. Alors que les énergies fossiles représentent 80 % des émissions mondiales de GES, en plus de vingt ans de négociations sur le climat, il n’a jamais été question de prendre des mesures pour ne plus construire de telles infrastructures et laisser tout ou partie des réserves d’énergies fossiles dans le sol.

Ne nous y trompons pas : cette publication de l’AIE (2), aussi limitée et discutable soit-elle sur d’autres aspects (biomasse, etc.), est de nature à fissurer le bloc politico-économique qui soutient l’industrie fossile. Nous aurions tort de ne pas nous en saisir et de ne pas actionner ce levier contre tout nouveau projet climaticide. Chaque tonne de CO2 compte. Ne laissons pas la résignation nous gagner : faisons naître ces mondes viables, vivables et enviables auxquels nous aspirons.

Par Maxime Combes Économiste, chargé des questions « commerce-relocalisation » à l’Aitec.

(1) Rapport « Allô Bercy ? Pas d’aides publiques aux grandes entreprises sans conditions », Observatoire des multinationales, mai 2021.

(2) « Net zero by 2050. A Roadmap for the Global Energy Sector », mai 2021, www.iea.org/reports/net-zero-by-2050

Publié dans
Le temps du climat
Temps de lecture : 4 minutes
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