Primaires EELV : Cinq figures pour une investiture

La primaire du Pôle écologique désignera qui portera ses couleurs pour la présidentielle.

Patrick Piro  • 25 août 2021 abonné·es
Primaires EELV : Cinq figures pour une investiture
© GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP

À l’aune de l’applaudimètre, de l’activité de leur équipe, du nombre et de la qualité de leurs signatures de soutien, trois personnalités sont apparues favorites de la primaire écologiste, à Poitiers : par ordre d’apparition sur scène, Éric Piolle, Yannick Jadot et Sandrine Rousseau, membres d’EELV.

Éric Piolle

L’écologie, ça marche

Premier écologiste à diriger une ville de plus de 100 000 habitant·es, le maire de Grenoble se présente comme une force tranquille. Ton égal, gestuelle sobre, Éric Piolle explique se préparer depuis l’élection de Macron en 2017 et l’effondrement du PS. Il a déjà sillonné le pays à deux reprises à la rencontre du public. Ses propositions le classent dans la catégorie « radical ». « Contre la loi de la jungle et le dérèglement climatique », il veut un plan pour « transformer les problèmes en 1,5 million d’emplois verts », imposer un « ISF climatique » aux plus pollueurs, protéger les biens communs, créer un revenu d’existence dès l’âge de 18 ans, réformer la Constitution, notamment pour instaurer la proportionnelle. Il a l’atout de son expérience de terrain. Avec sa facile réélection à la tête de Grenoble, en 2020, il peut affirmer que « l’écologie au pouvoir, ça marche ». Et sa pratique politique, fondée sur le travail collectif, qui lui a permis de fédérer de LFI aux mouvements citoyens dans sa conquête municipale, l’affiche comme l’un des plus crédibles pour rassembler « l’arc humaniste » à l’échelle du pays lors de la campagne présidentielle.

Yannick Jadot

Le souffle de la parole

Comment fonctionne la primaire écologiste

Tout le monde peut participer au scrutin (électronique) de la primaire du Pôle écologiste, à condition d’avoir au moins 16 ans, de signer une charte de valeurs, et de verser 2 euros (gratuit pour les adhérent·es d’un des partis du Pôle). Il faut s’inscrire avant le 12 septembre sur le site lesecologistes.fr. Les candidat·es s’affronteront notamment lors de plusieurs débats (France Inter et France Info le 5/9, LCI le 8/9 et Mediapart le 10/9) avant le premier tour (du 16 au 19/9). Et les deux finalistes seront se retrouveront le 22/09 sur LCI avant le second tour, du 25 au 28 septembre. Le 23 août, plus de 17 000 personnes étaient inscrites pour voter.

Eurodéputé depuis 2009, c’est un habitué des estrades politiques et médiatiques. Désigné par la primaire EELV en 2016, sa campagne n’avait pas décollé, et il s’était rangé derrière Benoît Hamon, laminé par un score de 6,4 %. Il a redoré son blason depuis, tête de la liste écologiste arrivée troisième aux européennes de 2019 avec 13,5 %. Tenté un temps de se forger une image de candidat naturel de l’écologie, voire de la gauche, il s’est prudemment rallié à la discipline de la primaire. À Poitiers, il est parvenu à séduire par son aisance et un sens de la formule qui en font l’un des mieux préparés aux joutes verbales. Bien que privilégiant depuis des mois le rassemblement jusqu’au centre-droit, il a plutôt gauchisé son discours à Poitiers, où soufflait un vent d’aspiration radicale. Il veut investir 25 milliards d’euros pour les services publics et la construction, et autant pour la transition écologique. Avec une politique industrielle passant « au besoin par des renationalisations temporaires pour préserver les outils et compétences nationales » : on lui avait reproché un discours trop compatible avec l’entrepreneuriat libéral. Autre « casserole » qu’il a tenu à relativiser : sa participation à la manifestation des policiers du 19 mai dernier, sous emprise de l’extrême droite. « À l’image de l’exercice du pouvoir, ce n’était pas une décision facile, mais il s’agissait de soutenir les syndicats modérés. » Une dernière couche : la promesse de légaliser le cannabis.

Sandrine Rousseau

Porte-drapeau de l’écoféminisme

Et si elle créait la surprise ? Seule de ce panel dépourvue de mandat électif, Sandrine Rousseau joue du radicalisme sans modération, promettant une rupture qui séduit un public étreint par la faiblesse des gouvernements face à la crise écologique et sociale. « Les temps changent. Il paraît que je n’ai pas la carrure, mais où sont tous ces hommes qui prétendaient l’avoir, depuis les années 1970 ? » Sandrine Rousseau porte la bannière de l’écoféminisme, maillant la critique anticapitaliste, patriarcale et écologiste. « Il est passé le temps des maîtres de la nature, qui prennent, utilisent et jettent les ressources, comme le corps des femmes et des personnes les plus faibles, racisées ou précarisées. » Le coût de la tonne de CO2 émise portée à 200 euros en cinq ans, une taxation des riches, 10 % du territoire gardé vierge de toute activité humaine, création d’un crime d’écocide, revenu d’existence, redéploiement des services publics, baisse du temps de travail, doublement du budget de la justice… « Trop de promesses ? En 2016, je me suis engagée contre les agressions sexuelles, rétorque celle qui a dénoncé, avec d’autres, les agissements de Denis Baupin, cadre EELV. Et en cinq ans, le système a été en partie déverrouillé. Ce courage, je l’aurai jusqu’au bout. Oui, une femme peut être présidente, oui, avec radicalité ! »

Jean-Marc Governatori

Le tonton qui dérange

« Je suis un fervent partisan de l’écologie au centre. » Cette introduction est probablement la moins iconoclaste du conseiller municipal de Nice, fondateur de l’Alliance écologiste indépendante. Il a été réintégré dans la primaire par décision de justice après en avoir été éliminé en raison de l’exclusion de Cap21 du Pôle écologiste, la formation de Corinne Lepage ayant refusé de s’engager à soutenir la personnalité désignée par la primaire. Accusant les vaccins de créer des maladies, aux prises avec la justice pour des comptes de campagne troubles, favorable à la candidature de Brigitte Bardot à la présidentielle de 2012, etc., il est un peu l’oncle pestiféré qu’on n’a pas pu éviter d’inviter à la réunion de famille. À Poitiers, il déambule solitaire, auto-porteur de sa candidature. Fier de ses chiffres (kilomètres parcourus en train, heures consacrées à l’écriture de ses livres, etc.), promoteur de « l’énergie de l’amour », Jean-Marc Governatori veut couvrir la France de poulaillers et de potagers.

Delphine Batho

L’art du contre-temps

La candidate, dont la conviction écologiste n’est pas en doute, cumule les obstacles, voire les maladresses. Présidente de Génération écologie, députée depuis 2007, elle reste marquée par un long parcours au PS, qu’elle ne quitte qu’en 2018 après avoir assumé deux fonctions ministérielles. À Poitiers, elle se présente avec le soutien de Cédric Villani, ex-LREM, qui phagocyte le tiers de sa prestation par un discours sur la crise en cours, stoppé par les protestations du public. Delphine Batho plante alors le pilier de son programme, résumé d’un mot : la décroissance. Comme si elle découvrait ce concept qui a connu son utilité dans les années 2000. Les questions rejouent celles d’il y a dix ans : « Voulez-vous aussi faire décroître les minima sociaux ? » La candidate rame pour expliquer qu’il s’agit de se débarrasser du totem de la croissance, esquisse sa volonté de coconstruire son programme de façon participative « après avoir été désignée par la primaire ». Son temps de parole est déjà écoulé.

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