La chasse à court d’arguments

Les chasseurs refont parler d’eux au rayon « faits divers ».

Patrick Piro  • 3 novembre 2021
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La chasse à court d’arguments
© Antoine Lorgnier / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Pan ! Pan ! Voilà les chasseurs qui refont parler d’eux au rayon « faits divers ». Samedi dernier, l’un d’eux blesse grièvement au cou un automobiliste roulant sur une quatre-voies d’Ille-et-Vilaine. Deux jours plus tôt, le thorax d’un homme interceptait malencontreusement une balle perdue sur un sentier de Haute-Savoie. C’est un peu le style de Willy Schraen. Avec doigté, le président de la Fédération nationale des chasseurs déplore « la loi des séries », alors que « 80 millions de coups de carabine sont tirés chaque saison » et que « le risque zéro n’existe pas » (40 accidents l’an dernier, dont 6 mortels). À l’entendre, la première victime de cette « malchance » serait la chasse. Alors qu’il y a « bien plus de morts au ski… »

Comme la plupart des cadres chasseurs, Schraen s’échine à défendre une équivalence entre les loisirs et leurs risques : une balle serait aussi dangereuse jaillie d’un club de golf ou d’un fusil. Comme si le renoncement des familles à se promener le dimanche dans les bois, en période de chasse, n’était pas dû à la perspective, ignorant le « risque zéro », de se retrouver par malchance dans la ligne de mire d’un article de sport conçu pour tuer.

Quant à la « tradition » dont ces gardiens défendent le maintien, nul besoin d’endosser la cause des anti-chasse pour en qualifier la pratique d’arriérée. La France est le seul pays de l’UE où la chasse est autorisée tous les jours de la semaine, le dernier à y avoir interdit, cet été, la chasse à la glu, douze ans après l’adoption de la directive « oiseaux ». Schraen et les siens ne veulent pas voir que la société a changé. La proposition du candidat écologiste Yannick Jadot d’interdire la chasse les fins de semaine et les vacances rencontre probablement des adhésions jusque dans les campagnes. Dernière candidature des chasseurs à la présidentielle : Saint-Josse, en 2002. Aujourd’hui, ce sont les défenseurs du bien-être animal qui se présentent aux élections pour peser dans le débat public.

Il reste pourtant de « tradition », à droite, de courtiser le lobby déclinant de la chasse quand s’ouvrent les saisons présidentielles. En 2018, Macron honorait sa promesse de diviser par deux le prix du permis de chasse, dont le nombre délivré chaque année déclinait depuis quarante ans (ils sont 1,2 million cette saison). Cette année, c’est avec un parfait cynisme qu’il a préparé le cadeau. Tout en paradant à Marseille au Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, en septembre, il mobilisait fébrilement le gouvernement pour autoriser les cruelles chasses « traditionnelles » au filet et à la cage. Des décrets retoqués deux fois en deux mois par le Conseil d’État !

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