Feux au vert pour Stop Bolloré

Le nouveau collectif, dont Politis est membre fondateur, poursuit sa mobilisation et lance de nouvelles initiatives contre la concentration dans les médias et la droitisation du débat public.

Pauline Gensel  • 23 février 2022 abonné·es
Feux au vert pour Stop Bolloré
Rassemblement, le 17 février 2022, pour le 200e anniversaire de la création du groupe Bolloré, à Ergue-Gaberic, près de Quimper.
© Fred TANNEAU / AFP

Au sein du collectif Stop Bolloré, c’est l’effervescence. Depuis le mercredi 16 janvier, jour du lancement de sa campagne, il croule sous les mails d’organisations et de particuliers désireux de rejoindre l’appel contre la concentration dans les médias et pour l’indépendance journalistique. « Nous n’avons même pas encore fini de traiter les premiers mails, constate Arié Alimi, avocat membre de la Ligue des droits de l’Homme et qui compte parmi les fondateurs du collectif. Nous en avons encore 800 en attente. Nous avons été un peu dépassés par le succès de l’appel. » Avec près de 500 signatures déjà enregistrées et visibles sur le nouveau site Internet du collectif, 1 300 personnes et organisations ont donc rejoint le mouvement.

Stop Bolloré n’en est qu’à ses débuts et entend bien poursuivre la mobilisation. Il organisera un meeting, à la mi-mars, pour établir un suivi des initiatives déjà lancées – la saisine de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et la plainte au pénal (lire Politis n° 1693) – et annoncer d’autres procédures à venir. Parmi elles, une requête auprès de la Commission européenne sur l’acquisition de la maison d’édition Hachette, propriété du groupe Lagardère, par Vincent Bolloré. L’objectif : s’opposer à la transaction et empêcher que les mastodontes ne se positionnent sur le marché sans concertation avec les petites maisons d’édition et les libraires, directement concernés.

Stop Bolloré rassemble et vise large. Autant que le sont les empires des milliardaires. Alors que de nombreuses productions du septième art sont financées par Canal+, le collectif travaille actuellement avec des acteurs du monde du cinéma et du théâtre. Car tout est lié. « On ne fait pas une œuvre cinématographique ou théâtrale sans médias et sans information, sans livres qui attirent les réalisateurs, les scénaristes, les metteurs en scène, précise Arié Alimi. Contre l’hégémonie d’extrême droite, nous opposons aujourd’hui la solidarité culturelle. »

« Contre l’hégémonie d’extrême droite, nous opposons la solidarité culturelle. »

À moins de deux mois de l’élection présidentielle, le temps presse. Les idées d’extrême droite se diffusent, occupant de plus en plus l’antenne dans ces médias aux mains des industriels. Dans une étude parue le mercredi 16 février, Julia Cagé, Moritz Hengel, Nicolas Hervé et Camille Urvoy montrent ainsi que le temps de parole de l’extrême droite a augmenté de 15 points de pourcentage sur CNews à la suite du rachat de la chaîne par Vincent Bolloré, par rapport aux autres chaînes de télé et radios françaises. Une augmentation d’autant plus forte lorsque l’on regarde du côté des invités politiquement engagés, mais qui ne sont pas des professionnels de la politique : leur temps de parole a augmenté, tandis que celui des politiques a diminué.

Or les contenus médiatiques influent sur le vote des électeurs. Stefano DellaVigna et Ethan Kaplan ont été les premiers à le prouver, dans une étude portant sur l’influence de Fox News dans les décisions de vote. Entre octobre 1996 et novembre 2000, la chaîne conservatrice est introduite sur le câble dans 20 % des circonscriptions américaines. Dans ces villes, pendant cette période, le Parti républicain a gagné entre 0,4 et 0,7 point lors de l’élection présidentielle. Le taux de participation a diminué, tandis que la part de votes en faveur de ce parti lors des élections sénatoriales a augmenté. Au total, les chercheurs estiment que Fox News aurait convaincu entre 3 % et 28 % de ses téléspectateurs de voter pour les Républicains. Des résultats qui suggèrent avec force que les médias peuvent avoir un impact politique non négligeable.

En 2016, Reporters sans frontières dépeignait Vincent Bolloré comme un « exemple extrême de rouleau compresseur qui s’abat sur l’indépendance des médias et de l’information. […] [Il] a l’habitude de s’impliquer dans la gestion des organes de presse qu’il contrôle, d’interférer dans le choix et le développement des contenus de même que dans la sélection des journalistes de ses rédactions ». CNews est souvent décrite comme le « Fox News français », avec des animateurs et des invités s’inscrivant dans une ligne éditoriale anti-immigration. Alors qu’il est prouvé que Fox News a influé sur les comportements électoraux des citoyens américains, tout semble indiquer que sa « petite sœur » française aura un impact semblable en avril prochain au moment de l’élection présidentielle.

Société Médias
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

« Les associations permettent des espaces démocratiques alternatifs aux élections »
Entretien 10 octobre 2025 abonné·es

« Les associations permettent des espaces démocratiques alternatifs aux élections »

Samedi 11 octobre, le Mouvement associatif appelle à une mobilisation nationale nommée « Ça ne tient plus ! » Inédite, elle souligne la situation critique du monde associatif, entre manque de financements, atteinte à la liberté d’association et la marchandisation du modèle.
Par William Jean
« Nous sommes la génération Palestine » : Rima Hassan de retour de la flottille
Exclusif 9 octobre 2025

« Nous sommes la génération Palestine » : Rima Hassan de retour de la flottille

Après plusieurs jours de détention en Israël, Rima Hassan donne son premier entretien à Politis. Arrestation de la Global Sumud Flotilla, emprisonnement… Elle décrit un dispositif humanitaire ciblé et des violences dans un contexte d’apartheid. La députée européenne appelle aussi à continuer les mobilisations.
Par Maxime Sirvins et Salomé Dionisi
Retraites : la suspension de la réforme, un moindre mal pour les macronistes
Analyse 9 octobre 2025 abonné·es

Retraites : la suspension de la réforme, un moindre mal pour les macronistes

D’un passage en force en 2023 à un gage de survie politique en 2025 : pour ne pas disparaître, les macronistes sont bien obligés d’envisager la suspension de la réforme des retraites. Un moindre mal pour éviter l’abrogation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Il y a une histoire avant la flottille, il y en aura une après » 
Reportage 8 octobre 2025 abonné·es

« Il y a une histoire avant la flottille, il y en aura une après » 

À l’aéroport de Paris-Orly, la délégation française de la Global Sumud Flotilla a été accueillie mardi 7 octobre en grande pompe par un parterre de soutiens et de journalistes, après avoir passé 3 jours en détention en Israël.
Par William Jean