Penser l’Ehpad de demain

Alors que la population vieillit, il est temps de repenser totalement la fin de vie. De nombreuses propositions existent mais se heurtent encore à la question du coût.

Maxime Sirvins  • 2 février 2022 abonné·es
Penser l’Ehpad de demain
© AMELIE-BENOIST/BSIP/AFP

Améliorer drastiquement la vie de nos aïeux, c’est évidemment possible. Depuis des années, des recommandations sont régulièrement formulées par des acteurs de la société civile, mais également par des entités indépendantes telle que la Défenseure des droits. Des propositions souvent convergentes.

En finir avec la maltraitance

L’infernal couple souffrance au travail-maltraitance des résidents est désormais largement documenté. Éviter les violences tant physiques que psychologiques passe avant tout par la préservation des conditions de travail en Ehpad, où la santé des professionnelles du secteur est constamment menacée, en particulier par un sous-effectif chronique. Alors que la moyenne des accidents du travail est évaluée à 33,4 pour 1 000 salariés en France, elle grimpe à 52,8 pour les personnes employées en Ehpad. Et même à… 97,2 pour celles de l’aide à domicile en 2017, d’après l’Assurance maladie. En recrutant davantage et en revalorisant les statuts des salariées, la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa) souhaite réhumaniser le travail des employées. Pour aller plus loin, la Défenseure des droits propose de créer des « observatoires régionaux » pour mieux répondre aux signalements, alors qu’un numéro téléphonique de signalement, le 3977, existe depuis 2008.

Lieu de vie avant lieu de soin

Dans son rapport annuel, le think tank Matières grises formule plusieurs propositions pour améliorer la qualité d’accueil au sein des établissements. Pour en finir avec « la culture hyper sécuritaire, parfois quasi carcérale de l’Ehpad », mise en exergue par le premier confinement, il propose une plus grande liberté d’aller et venir pour les résidents. Trop de personnes âgées en Ehpad restent entravées dans leurs sorties afin de faciliter l’organisation logistique de l’établissement, comme le moment des repas. Cette proposition revient dans le rapport de mai 2021 de la Défenseure des droits, qui rappelle que les mesures d’enfermement doivent être « strictement nécessaires et proportionnées ». Autre recommandation : que les contraintes et normes de sécurité ne soient plus prétextes à régir l’emploi du temps des résidents, comme l’heure de coucher.

Éviter les violences passe par la préservation des conditions de travail en Ehpad.

Demeurer « chez soi », c’est aussi être un membre actif de sa communauté. Pour Matières grises, qui cite diverses expérimentations, les Ehpad pourraient ouvrir leurs restaurants à tout le monde, devenir des points relais colis, créer des liens avec des écoles et des clubs sportifs dans le but de créer un brassage de vie citoyenne.

Pour toutes et tous

Le financement par les pouvoirs publics de la prise en charge du grand âge est au centre des demandes de la Fnadepa, alors que la part de personnes âgées dans la population ne cesse d’augmenter. D’ici à 2030, il est estimé que le nombre de seniors en France sera de 21 millions, soit 3 millions de plus qu’en 2019. Dans cette optique, le gouvernement a définitivement créé – le processus a duré près d’un an et demi – en fin d’année dernière une branche « autonomie » de la Sécurité sociale, afin de prendre en charge le financement des établissements, des formations professionnelles et des aides individuelles. Sa gestion a été confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). À ce stade, il s’agit avant tout d’une restructuration et non d’une augmentation des moyens. Avec un budget de 33 milliards d’euros en 2022, elle est considérée comme un dispositif creux par une partie de l’opposition et les professionnels du secteur, qui déplorent son manque d’ambition.

Reste enfin la question du coût d’une telle prise en charge. En 2019, le tarif moyen pour une place en Ehpad était de 2 200 euros par mois, d’après la CNSA, alors que la moyenne des retraites n’est que de 1 430 euros brut par mois. Même si des aides existent, particulièrement au niveau départemental, l’information sur la tarification et les dispositifs de soutien est rarement accessible, d’après la Défenseure des droits. Les différents rapports mettent en avant la nécessité de simplifier l’accès à ces services et de les augmenter pour les plus précaires. Pour la Fnadepa, il est enfin nécessaire de réformer prioritairement l’aide sociale à l’hébergement « afin de répondre efficacement aux attentes des citoyens ».

Pour s’informer ou signaler une maltraitance sur des personnes âgées et des adultes en situation de handicap, on peut joindre la plateforme téléphonique 3977. Ce numéro est accessible du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures, et les samedi et dimanche de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures.

Société
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