Aix-en-Provence : une répétition des régionales

Michel Soudais  • 10 juillet 2009
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Illustration - Aix-en-Provence : une répétition des régionales


Le titre de ce billet déconcertera peut-être les lecteurs au parfum de la situation politique locale de la capitale historique de la Provence. Cette sous-préfecture des Bouches-du-Rhône de 142.000 âmes est en effet le théâtre d’une élection municipale partielle en plein mois de juillet. Mais la configuration politique du scrutin n’est pas sans analogie avec celle que pourraient trouver les électeurs des régionales, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur comme dans d’autres régions. Face à l’UMP, les Verts font bande à part, le PS se présente avec le MoDem, suscitant en retour la formation d’une liste PCF-NPA-PG, un front de gauche élargi impensable avant le 7 juin.

Un paysage politique profondément renouvelé

Suite à l’annulation de l’élection municipale de mars 2008, quelques 80.000 électeurs retournent aux urnes les 12 et 19 juillet. En mars 2008, Maryse Joissains (UMP) avait été réélue d’une courte tête avec 44,2% des voix au second tour, contre 42,9% à Alexandre Medvedowsky, candidat du Parti socialiste qui conduisait, cas unique en France, une liste d’union de la gauche XXL alliant pas moins de sept formations politiques allant du centre-gauche à la gauche radicale ( Politis , 6 mars 2008), et 12,7% à François-Xavier de Peretti, tête de liste pour le MoDem. Quinze mois plus tard, dans une ville où l’on cultive l’art de retourner sa veste, la situation politique a bien changé .
– La liste de Maryse Joissains, qui propose de reconduire la même équipe (à une exception près), est le seul invariant de cette campagne éclair. Elle affronte quatre liste au premier tour, contre six en 2008.
– L’extrême droite (2,72%) est cette fois hors-course. Tout comme le socialiste Michel Pezet, dont la liste dissidente (10,14%) avait plombé la gauche.
– La liste de Peretti (MoDem) a éclaté en trois. Bruno Genzana (Nouveau centre), un ancien adjoint de Mme Joissains avec qui il avait alors de rudes échanges, est rentré au bercail; c’est le seul «nouveau» de la liste Joissains. Stéphane Salord (ex-UMP), autre ancien de l’équipe Joissains, à l’origine de la plainte qui a conduit à l’annulation du scrutin, conduit sa propre liste de droite constituée de novices et de déçus de Joissains. François-Xavier de Peretti, enfin, figure en n°3 sur la liste du socialiste d’Alexandre Medvedowsky.
– Les Verts, forts du succès de la liste Europe-écologie sur la ville le 7 juin (21,64%) qui les plaçait plus de 7 points devant le PS, se présentent seuls, ou presque. Leur liste Aix-écologie est conduite par le représentant du Partit occitan, Hervé Guerrera.
– Le socialiste Alexandre Medvedowsky, qui en 2008 avait refusé tout accord avec le mouvement de François Bayrou, a accepté de conduire une liste PS-MoDem avec son ennemi d’hier, provoquant le départ des composantes les plus à gauche de la liste «Aix pour tous» de mars 2008.
– Le Parti communiste, le Nouveau parti anticapitaliste et le Parti de gauche refusent de «s’allier avec une partie de la droite pour battre la droite» . Ils ont donc décidé de reprendre le flambeau abandonné par le PS pour présenter la seule liste de gauche dans cette élection partielle. Conduite par la communiste Nathalie Leconte, en association étroite avec un représentant de chacune des deux autres formations qui la compose, «Aix à gauche» se présente sur tous les murs comme une liste à trois têtes. Une liste plus paritaire aussi que le pack masculin du PS-MoDem.

Le pack masculin PS-MoDem et l'alliance PCF-NPA-PG, deux styles...

Comment le MoDem a été imposé aux socialistes

C’est Jean-Noël Guérini, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône et véritable patron de la fédération du PS qui a exigé cette alliance. Le 8 juin, à l’annonce de l’annulation du scrutin, Alexandre Medvedowsky penchait plutôt pour reconduire la liste «Aix pour tous» de mars 2008. Ses composantes se sont d’ailleurs réunies à son initiative, et alors que la LCR avait présenté une liste autonome (Aix en luttes, 2,91%) le NPA n’aurait pas été hostile à l’idée de se joindre à une liste d’union de la gauche. Seuls les Verts n’en voulaient plus.
Et Guérini aussi. De retour de Paris où il a assisté au début du conseil national du PS, l’homme fort du PS confie à La Provence que «les responsables socialistes aixois ont atteint un niveau de stupidité extrême» et qu’il est temps pour lui de «siffler la fin de la récréation» . Il menace: «C’est aux responsables politiques aixois d’assumer leurs responsabilités. S’ils ne sont pas à la hauteur de l’événement politique, ce sera leur dernier combat, on fera le ménage et il y a aura des parachutages. Ils n’ont pas intérêt à décevoir, ni la fédération ni ma modeste personne (sic) Et comme sa modeste personne encourage voire intime l’ouverture vers le MoDem et «même au-delà» , il annonce que la tête de liste ne sera pas désignée par les socialistes aixois mais par «la fédération en accord avec le PS à Paris» .
Depuis 2005, Jean-Noël Guérini, qui ne cache pas ses ambitions nationales, veut y imposer cette ligne politique d’ouverture au centre droit. Il doit donc pour cela démontrer aux instances nationales qu’elle peut être gagnante. Ce qu’il n’est pas parvenu à prouver dans la conquête de la mairie de Marseille. D’où cette mise en garde autoritaire destinée à briser toute opposition à cette ligne. Car si certains venaient à traîner les pieds, l’ouverture au MoDem aux régionales serait compromise.
Pour imposer ses vues, M. Guérini dispose d’un candidat alternatif à Alexandre Medvedowsky: André Guinde, 70 ans, vice-président du conseil général est partisan d’un accord avec le MoDem. Il lui a suffit de le faire savoir. Le 12 juillet, au cours d’une AG des socialistes, Alexandre Medvedowsky accepte le choix stratégique de Guérini et obtient l’investiture; André Guinde obtient une honnête 5e place et le droit de figurer sur toutes les affiches et tracts en compagnie de la tête de liste et de François-Xavier de Peretti.

Cacher ce MoDem

Les logos du PS et du MoDem ne figurent sur aucun document de campagne de la liste Medvedowsky-De Peretti. « Ce que nous symbolisons, ce n’est pas une alliance partisane, mais un rassemblement d’hommes et de femmes qui souhaitent un changement dans cette ville » , peut-on lire sur la page d’accueil de son site internet.
Honte ou duperie ? L’un des derniers tracts de campagne incline plutôt pour la seconde solution. Ceint de vert, son but est de convaincre de l’engagement écologiste de la liste qui a « fait du développement durable l’axe transversal de [son] programme » . Pour ce faire le tract reproduit les messages de soutien de trois personnalités : Jean-Luc Bennahmias, Corinne Lepage et Yann Wehrling, respectivement présentés comme ancien secrétaire national des Verts (1997-2001), ancien ministre de l’Environnement et président de Cap 21, ancien secrétaire national des Verts (2005-2006). Nulle part il n’est mentionné que tous trois sont membres du MoDem.
Ce camouflage systématique , qui présente les membres du MoDem comme des «démocrates» sans plus de précision, est d’autant plus curieux que François-Xavier de Peretti est un dirigeant de premier rang du MoDem. Il intervient dans ses conseils nationaux, et siège dans son Comité de conciliation et de contrôle. En 2008, lui-même ne cachait pas les appartenances partisanes des membres de sa liste, comme on peut encore le voir sur le site du MoDem: des gens de l’UMP, à commencer par le président du groupe UMP au Conseil général des Bouches-du-Rhône, qui viennent du parti socialiste, des Verts en indélicatesse avec leurs instances nationales… « François , avait-il lancé lors de la convention municipale de son parti en s’adressant à M. Bayrou, même si la liste que je conduis est une liste diverse et plurielle, je pense que je pourrais te ramener au Mouvement Démocrate la ville d’Aix-en-Provence. »

«Un test pour les alliances»

C’est finalement Jean-Luc Bennahmias qui a vendu la mèche. Invité d’un banquet républicain de la liste Medvedowsky-de Peretti, le week-end dernier, le député européen (MoDem) a déclaré: « Cette élection a évidemment un enjeu et un caractère très aixois, mais elle a également valeur de test pour les alliances. Et en tant que vice-président national du MoDem, c’est comme cela que j’analyserai les résultats. Le 12 juillet au soir, on saura si les électeurs préfèrent avoir une diversité de listes ou une liste de la diversité. »

Ce test en est aussi un pour la gauche de gauche. Avec la liste «Aix à gauche», l’unité, tant recherchée depuis 2005, est presque parfaite. Si le groupe Unis pour un monde solidaire (UMS), une composante locale de la FASE animée par Rémy Jean, ne participe pas à «Aix à gauche», faute d’avoir obtenu la représentation qu’il demandait, l’alliance du PCF du NPA et du PG auxquels se joint des militants associatifs et syndicaux préfigure ce que les contacts bilatéraux entre les états-majors du PCF, du NPA, du PG, des Alternatifs, de la Gauche unitaire, de la Fédération pour alternative sociale et écologiste (FASE) permettent d’entrevoir: des listes unitaires anticapitalistes, autonomes du PS et d’Europe-écologie au premier tour. L’UMS ne s’y est d’ailleurs pas trompé; elle appelle clairement à voter pour cette liste qui occupe la place laissé libre par le recentrage du PS. Et proclame fièrement: «La gauche, la vraie, c’est nous!» Un positionnement qui semble plutôt lui réussir. Malgré un démarrage tardif et une campagne précipitée, «Aix à gauche» est crédité de 10% dans un sondage Opinionway réalisé du 2 au 4 juillet. Un score qui reste à confirmer, voire améliorer, dimanche.

Se posera alors la question du second tour. Les formations de la gauche de gauche, on le sait, refusent toute entente avec le PS ou les Verts en cas de présence du MoDem. Mais cette position de principe a très rarement eu à se confronter à la réalité d’un scrutin. Le comportement (désistement, maintien, fusion…) qu’adopteront à Aix-en-Provence, le PCF, le NPA et le PG, dimanche soir, aura donc valeur de test. Et sera à coup sûr très regardé par tous ceux qui, au PS, pensent que des alliances avec le MoDem permettront de conserver la plupart des régions tenues par la gauche, que les électeurs s’en accomoderont, et que les formations à la gauche du PS sauront faire preuve de «sagesse».


Les cinq listes en présence (Notez le manque d’imagination des deux principales listes)
1. « Aix à gauche » (PCF, Parti de gauche, NPA) conduite par Nathalie Leconte (PCF).
2. « Tous ensemble pour Aix » (PS, MoDem) par Alexandre Medvedowsky (PS).
3. « Une nouvelle chance pour Aix » (SE) par Stéphane Salord (DVD).
4. « Aix Ecologie » (Verts) par Hervé Guerrera (Parti occitan).
5. « Ensemble pour Aix et le Pays d’Aix » (UMP) par Maryse Joissains (UMP).

Temps de lecture : 9 minutes
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