Armer l’esprit – II
Pour cette seconde livraison d’ouvrages utiles et de nourritures nécessaires, trois livres questionnant les usages et l’impact d’Internet et des technologies sur nos vies, et un dernier sur la question du nucléaire.
Le premier, Dans le labyrinthe , est signé Alexandre Serres, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Rennes-II. En cinq chapitres, il analyse les rapports des jeunes aux médias et à l’information, se demande s’il existe un ou des « profils jeunes », dresse le tableau de leurs compétences informatiques, informationnelles et critiques, étudie les nouvelles pratiques documentaires et les « comportements informationnels » des étudiants et s’interroge sur les critères d’évaluation – crédibilité d’une source, autorité de l’auteur, qualité ou pertinence – des informations. La question de l’omniprésence de Google et de Wikipédia, et celle d’une indéfinissable « vérité » de l’information traversent ce livre.
Dans Révolutions du Net , Ariel Kyrou, journaliste, enseignant et écrivain, explore la figure de l’anonyme et sa puissance d’action sur le réseau. Il évoque la saga des fameux Anonymous portant masque de Guy Fawkes, mais aussi l’engagement de blogueurs comme Tarek Amr, Khaled Said ou la « Tunisian Girl » Lisa Ben Mhenni, qui ont marqué les révolutions arabes. Le net pullule aussi d’anonymes, d’avatars et de clones, se mettant en scène, parodiant jeux et films. Pour l’auteur, avec ces outils 2.0, « ce qui disparaît de nos relations quotidiennes, c’est la présomption d’incompétence de l’autre » . Le net développe le collaboratif et l’auto-organisation. Pour quelles motivations – gloire personnelle ou altruisme –, avec quels dommages collatéraux sur la vie privée que l’anonymat ne suffit pas à protéger, et au final aux bénéfices de qui ? La question reste posée.
La médiation technologique est certes une forme d’opium engourdissant, mais on ne peut occulter qu’elle a, entre autres, réactivé le partage au détriment des échanges purement monétaires. La réalité n’est pas binaire, et ces deux livres en en donnant chacun une vision – plutôt utopique pour l’un, dystopique pour l’autre – appellent à un indispensable débat sur l’aliénation numérique, sur notre propre inclination à la servitude et sur la capacité de l’outil à consolider les résistances.
Changeons de genre avec Avenir radieux, une fission française , texte intégral de la pièce de théâtre en cinq actes écrite et interprétée par Nicolas Lambert. « À lui seul, ce livre constitue quasiment un manuel d’histoire » , écrit Jean-Luc Porquet dans son avant-propos. On y retrouve les soliloques ou dialogues des 23 personnages – tous joués sur scène par l’auteur –, dont le discret Pierre Guillaumat, cheville ouvrière de la politique nucléaire gaullienne, des documents comme les trois portraits ajoutés de ce dernier, de Mendès France et de Pierre Messmer, un entretien avec Lambert, sans oublier les dessins au vitriol de Otto T. À offrir sans modération !
[^2]: Mouvement né en Angleterre au XVIIe siècle qui s’opposa à l’arrivée des métiers à tisser mécanisés. Voir la page Wikipédia sur le sujet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Luddisme
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