Tricherie en bande organisée

La direction du Parti socialiste, non satisfaite d’avoir empêché la gauche du parti de présenter un texte alternatif pour la convention sur l’Europe, a manipulé de manière éhontée le vote de ses adhérents pour faire croire à un « très large soutien » de ces derniers « au projet européen défendu par le gouvernement et le Président de la République ».

Michel Soudais  • 7 juin 2013
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Tricherie en bande organisée
Photo: Jacques Demarthon /AFP

Illustration - Tricherie en bande organisée


Le mythe du PS, parti démocratique, est mort ce 7 juin. Pour sa convention européenne, qui doit se tenir le 16 juin, la direction « solferinienne » avait déjà usé de tous les moyens possibles pour obtenir le résultat qu’elle souhaitait de la consultation des militants organisée hier dans toutes les sections.

Un texte unique tout d’abord , avec interdiction pour la gauche du PS de présenter un texte alternatif. Un débat quasi-inexistant ensuite. Et enfin, suprême raffinement, l’obligation de voter ce texte pour pouvoir voter ensuite en faveur d’amendements qui, pour certains, en changeaient profondément l’orientation.

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Le résultat sur ce point est donc sans surprise  : le texte de la direction a été adopté, selon les résultats officiels, par 90 % des votants. Et il est assez cocasse, pour ne pas dire risible, de voir le secrétaire national aux Fédérations, Alain Fontanel, se gargariser d’ « un succès de mobilisation » alors que 35,5 % seulement des adhérents ont participé au scrutin.

Le plus grave est encore le traitement réservé aux amendements. Alors qu’hier soir il apparaissait que les quatre amendements déposés par Maintenant la gauche, le courant d’Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, Julien Dray ou Gérard Filoche, étaient majoritaires, la direction a publié des résultats qui les fait apparaître minoritaires. Ce qui étonnera même les naïfs.

La triche saute aux yeux à la lecture des résultats communiqués. Dans la comptabilisation nationale des résultats, les Solferiniens ont compté comme vote « contre » tous ceux qui s’étaient abstenus ou n’avaient pas pris part au vote, soit qu’ils n’aient voté que pour le texte et ignoré les amendements, soit qu’ils aient voté contre le texte. D’où ce communiqué d’Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann et Jérôme Guedj :

Emmanuel Maurel et Jérôme Guedj

Les militants socialistes se sont exprimés hier sur le texte de la Convention Europe. Les amendements de l’aile gauche (maintenant la Gauche et Un monde d’avance) ont recueilli la majorité des suffrages exprimés. 
La direction du PS annonce des chiffres farfelus, obtenus en inventant une méthode de calcul scandaleuse. En gros, les « contre », les « abstentions », les blancs et nuls sont considérés comme des votes contre ! De même, les voix des militants ne s’étant pas exprimés sur les amendements sont également comptabilisées dans les votes contraires !
Au moment ou le PS s’enorgueillit de sa pratique de la démocratie interne, ce type de procédés ternit l’image de notre organisation. Elle évacue de surcroît un débat sur le fond qui mérite mieux que des petites manipulations d’appareil. 
Ces méthodes témoignent,après l’interdiction de déposer des textes alternatifs, d’un embarras de la direction du PS face aux positions ambitieuses des militants socialistes en faveur d’une autre Europe.
  

Reconnaître que des amendements qui demandaient notamment la « suspension » du pacte de stabilité et « une réforme de la politique monétaire européenne et des statuts de la BCE » , et refusaient le traité transatlantique étaient majoritaires aurait obligé les Solferiniens à une sacrée remise en cause des positions qu’ils défendent. D’où le recours à cette grossière tricherie en bande organisée qui ne redorera pas le blason du PS dans la gauche militante.

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