Un blairisme (de droite) à la française

« Porter haut et fort les valeurs d’autorité, de respect et d’ordre » serait, pour les amis de Manuel Valls, la marque d’une « gauche affranchie ». C’est la dernière trouvaille d’une bande de communicants pour ne pas se dire de droite.

Michel Soudais  • 23 août 2013
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Illustration - Un blairisme (de droite) à la française


Les trois mousquetaires du ministre de l’Intérieur ont publié, hier, dans Libération , une tribune justifiant les positions de leur héraut, qu’ils présentent de manière subliminale comme étant celle d’une « gauche affranchie » .
On se gardera bien de moquer ici la prétention de Luc Carvounas, sénateur-maire d’Alfortville, Francis Chouat, maire d’Evry, Carlos Da Silva, député de l’Essonne, et du directeur de recherche Zaïki Laïdi, les quatre signataires de ce texte, à réinventer la gauche. Leur brûlot idéologique a en effet pour premier mérite d’offrir une grille de lecture de l’agitation de leur mentor. Et pour second intérêt de proposer un programme de substitution en même temps qu’un « récit du changement » [^2] aux Solferiniens troublés par l’absence de ligne claire du chef de l’Etat.

Qu’est-ce donc que « la gauche affranchie »  ?
-* « Celle qui décide de porter haut et fort les valeurs d’autorité, de respect et d’ordre » , nous explique nos théoriciens. Oh « non pas d’un ordre moral et autoritaire. Mais d’un ordre républicain et fraternel » . Rassurant ? Pas vraiment. Car la « République en 2013 » , écrivent-ils, « c’est d’abord, et avant tout, le respect des institutions et de ceux chargés de l’incarner » . Lesquelles institutions, c’est le second trait de « leur » république, doivent répondre « aux besoins des Français en matière d’ordre et de sécurité » . Et la République, « c’est enfin la laïcité » laquelle n’est évidemment contestée que par « une petite minorité agissante » musulmane.
C’est aussi une gauche qui *« se met au service de ceux qui créent de la richesse » . Les ouvriers ? Les salariés ? Non ! Ces gros mots sont absents du texte. Impurs sans doute. Ceux qui créent de la richesse, pour les « vallseurs », ce sont les « entreprises, et tout particulièrement [les] petites et moyennes, qui souffrent de charges excessives… »

Cette lecture du processus de production n’est pas très sociale ? C’est voulu. Nos idéologues en herbe affirment d’ailleurs que « le récit du changement » de la gauche ne doit plus reposer « sur l’idée de restauration et, donc, de retour au statu quo ante ». Habile périphrase pour signifier qu’il n’est plus question de préserver, encore moins de rétablir, des acquis sociaux voués à disparaître dans l’adaptation à « un monde en profonde mutation » .
Cela, le blairisme l’avait déjà dit. Mais les porte-flingues de Manuel Valls vont plus loin en proclamant qu’il n’est plus question de faire « l’impasse sur les questions identitaires que [la gauche] a voulu réduire trop souvent à leur dimension sociale » .

S’affranchir de la dimension sociale… Un rêve de droite.

[^2]: Traduction transparente du storytelling en vogue chez tous les vendeurs de yaourts politiques.

Temps de lecture : 3 minutes
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