Crimée: ces bonnes âmes qui confondent « l’idéologie » de Poutine avec celle des Soviétiques

Claude-Marie Vadrot  • 18 mars 2014
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Les beaux parleurs qui « comprennent » l’annexion de la Crimée, et prennent toute opinion contraire comme de la désinformation, devraient cesser de confondre Vladimir Poutine avec Khrouchtchev, Brejnev et bien sûr Gorbatchev. Et ne plus feindre de croire que la Russie, dans sa majorité actuelle et avec son parti dominant, représente une alternative politique et idéologique crédible qui serait défendable ; et qui aurait donc le droit « moral » de conquérir de nouvelles provinces.

Du temps de l’Union soviétique, il était évidemment au moins possible, et normal de mon point de vue, de mettre en balance l’absence des libertés, les répressions, le parti unique et hégémonique avec les réussites de l’Education et de l’ascenseur social, l’accès bon marché à la culture et aux livres, les prix contrôlés de l’alimentation et des vacances accessibles à tous. Passée la terrible période stalinienne, l’URSS, n’en déplaise aux idéologues butés, offrait des avantages et des points positifs. Ayant connu le passage d’un système à l’autre comme journaliste, je dois rappeler que si l’URSS des années 1970 et 1980 n’était pas un paradis, elle n’était certainement pas non plus l’enfer trop souvent raconté par la droite et les socialistes français. Il était possible, sans appartenir au PC, d’y trouver des aspects positifs. Y compris dans la vie culturelle.

La Russie, après la période incertaine (et libre !) gérée par Boris Eltsine, le poivrot, pendant quelques années, n’est plus qu’un gigantesque casino dans lequel jouent des oligarques qui maltraitent la majorité de la population avec plus de mépris et de privations de libertés que pendant les dernières années de l’Union soviétique. Les salaires y sont plus misérables que jamais, les chaînes de télévision étroitement contrôlées (et encore plus débiles qu’en France) ; et la presse écrite indépendante ne compte plus qu’un ou deux journaux qui survivent avec peine face aux pressions politiques et économiques. Le journal d’Anna Politovskaïa, assassinée chez elle en octobre 2006, Novaïa Gazeta , par exemple.

Alors je ne comprends pas que des militants soutiennent les menées impérialistes de cette dictature molle qui met ses opposants (libéraux ou de gauche) en résidence surveillée et les privent d’Internet, le seul média encore plus ou moins libre. Mais un média auquel 55 % des Russes, pour des raisons techniques ou financières, n’ont pas accès.

Je ne comprends par l’indulgence affichée par certains envers un régime dont le fonctionnement économique, les services de santé, les transports, les services sociaux, la Sécurité sociale, l’accès à la culture, les services publics sont très largement plus déficients qu’en France. Avec comme résultat que la Russie est depuis des années un pays où la population et l’espérance de vie sont en baisse constante. Voilà ce qui attend les habitants de Crimée, ramenés par force et par ruse vers le pays de Poutine alors que la majorité voulait simplement un rapprochement.

Je ne comprends pas l’indulgence envers un pays où le racisme et l’antisémitisme sont encore plus virulents que partout ailleurs en Europe. Sans que la police et la justice interviennent. Avec le règne de la corruption au plus haut niveau et dans la vie quotidienne. Un pays où, contrairement à l’Ukraine, nul ne peut se rendre sans visa.

Depuis quelques semaines, j’en viens à penser que si un conflit éclatait avec la Corée du Nord, il se trouverait quelques bonnes âmes, les mêmes sans doute, pour soutenir ce pays en invoquant l’Otan , les Etats Unis et l’Europe…

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