Comment l’Occident prépare une 3e guerre mondiale perdue d’avance contre ses « barbares »

Si certains s’effarouchent qu’on ose parler de « guerre » en gestation, d’autres s’y préparent activement, au point qu’il sera désormais difficile d’échapper à un nouvel épisode tragique de l’histoire.

Le Yéti  • 6 août 2015
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Comment l’Occident prépare une 3e guerre mondiale perdue d’avance contre ses « barbares »
Photo : AFP/Sergei Supinsky

Illustration - Comment l'Occident prépare une 3e guerre mondiale perdue d'avance contre ses "barbares"

Tout l’arsenal annonciateur d’une troisième déflagration mondialisée est en effet méthodiquement mis en place par les autorités du vieux monde en leur citadelle G7 assiégée :

-* lois d’exception sur le renseignement légalisant l’écoute généralisée de tous les citoyens ;
-* accords secrets verrouillant le champ de bataille économique (Tafta, loi sur le secret industriel…) ;
-* mise sous tutelle des « alliés » récalcitrants (Grèce) ;
-* persécution contre tout ce qui s’apparente à des migrants (forcément suspects, ceux-là finiront dans quelques sinistres camps qui n’oseront dire leur nom) ;
-* militarisation forcenée des forces dits « de l’ordre » contre la colère montante de la piétaille ;
-* ingérences militaires aux quatre coins de la planète et jusqu’aux confins de l’Europe (Ukraine)
-* dérapages colonialistes au Moyen-Orient (Israël), saccage de l’Afrique…

Bref, il n’y a plus guère que le chœur affolé des autruches pour s’égosiller à nier la réalité implacable de ces dangereux préparatifs guerriers.

Barricades défensives

Ce que révèle l’examen de ces multiples foyers de déflagration, c’est d’abord l’isolement des élites du vieux monde , de plus en plus coupées, non seulement d’un monde extérieur qui leur est de plus en plus hostile, mais aussi de leurs propres populations excédées par la désintégration du système censé les protéger et qu’elles — les élites — sont bien infoutues de remettre sur pied (cf. les cotes de popularité désastreuses de la plupart des dirigeants occidentaux) ;

La course à la guerre de l’Empire tient aujourd’hui beaucoup plus de la barricade défensive désespérée que d’une marche offensive triomphante contre des adversaires terrassés d’avance.

Tous les fronts ouverts à ce jour en attestent :

-* déconvenues occidentales à répétition sur les sites d’interventions localisées (Irak, Afghanistan, Libye, Syrie…) ;
-* piétinements d’Israël au Moyen-Orient malgré une disproportion obscène des forces en présence ;
-* développement ultra-rapide de l’État islamique ;
-* montée en puissance, au sein même de l’Empire, d’actes de désobéissance civile (les Zad), de mouvements politiques hors système (Syriza, Podemos…), certes pénalisés par l’impréparation et la naïveté coupable de certains de leurs dirigeants (Tsipras), mais bien réels ;
-* incapacité pour les autorités en place, malgré tous leurs efforts en ce sens, de maîtriser la toile mouvante des réseaux d’Internet, armes de sabotage massif, mais aussi de mobilisation séditieuse par excellence.

Une guerre non conventionnelle

Mais au fait, où sont les ennemis à anéantir ?

Assurément la diabolisation de Poutine fait de la Russie une cible quasi idéale pour un bon vieux conflit bien traditionnel à l’ancienne. À condition d’oser employer des armes autres que de stériles frappes aériennes, ce qui n’est pas gagné. Pour l’heure, c’est bien Poutine qui a marqué tous les points, diplomatique sur la Syrie (« accord » USA-Russie de septembre 2013), politique sur la Crimée, et même aussi un brin militaire, indirectement, sur le Donbass. C’est qu’il ne suffit pas à un Empire perclus de rhumatismes de s’en remettre à des milices néonazies mercenaires pour triompher des « barbares » à ses portes, ou pire, DANS ses murs.

Le cas de la nébuleuse islamique et de ses ramifications au cœur même des sociétés occidentales atteste de ce cancer qui ronge ces dernières, sans qu’aucune de leurs forces de l’ordre en escadrons, aucune de leurs armées en bataillons, aucun de leurs diplomates en veine de coups tordus n’y puissent mais. L’ennemi est à têtes multiples, invisible, mouvant, insaisissable.

Le cas d’Internet et de ses réseaux est à ce sujet emblématique. Aucune écoute du NSA n’a empêché le moindre attentat. La mise en isolement de leurs principaux animateurs (Assange, Snowden) n’empêche pas les lanceurs d’alerte de continuer à sévir sur les Wikileaks and co. Et la « police internet anti-haine » promise par un premier ministre français en phase critique de burn-out fait juste doucement rigoler des hackers de plus en plus audacieux.

Un lent pourrissement de l’intérieur

C’est que la guerre moderne ne se déroulera probablement pas entre deux armées s’affrontant en rang ordonné de bataille, ni par des actes de gloriole de quidams n’ayant que leur chemise blanche à opposer à des chars d’assaut sur de quelconques places Tian’anmen (à la fin, c’est toujours les chars d’assaut qui gagnent), mais par un lent pourrissement de l’intérieur du vieux système, accéléré par des commandos de l’ombre redoutables. Oui, le prochain conflit mondial risque fort d’être en grande partie civil.

Aujourd’hui, c’est contre les « barbares » engendrés par lui-même sur ses propres ruines que l’Empire occidental est contraint de se battre. Et les chances d’échapper à la sordide phase militaire finale sont de plus en plus infimes. Celle qui s’annonce aujourd’hui (et que certains, de plus en plus nombreux, subissent déjà dans leur chair en différents endroits du globe) pourrait bien se précipiter quand le cœur même de l’Empire assiégé (ses bastions économique et financier en l’occurrence) cèdera.

Inutile en tout cas d’espérer ramener à la raison une bande d’oligarques Folamour corrompus jusqu’à l’os et minés par la folie suicidaire qui s’emparent des puissants lorsqu’ils pressentent leur fin. Leurs comportements de plus en plus jusqu’au-boutistes et absurdes témoignent abondamment d’un dérèglement mental irréversible. Se heurtant comme mouches contre les vitres aux poudrières par eux semées : la fin de la croissance infinie, l’épuisement des ressources énergétiques, le dérèglement climatique… Les Romains de feu l’Empire romain le savent bien : à la fin, ce sont les « barbares » qui gagnent.

Ainsi meurent les civilisations exténuées. Par développement irrésistible des métastases cancéreuses en leur sein . Nul ne sait ce que sera demain. Le monde d’avant est inéluctablement condamné à mort, mais le camp des « barbares » d’en face est on ne peut plus disparate, pas toujours ragoûtant, loin de là, faut bien dire. C’est pourquoi ceux qui vivront ces moments tragiques feraient bien de s’y préparer d’arrache-pied. Car nul monde d’après un tant soit peu vivable ne sortit jamais du cervelet chancelant des autruches.

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