Immigrantes en Suisse

Rémy Artignan  • 7 mars 2007 abonné·es

La dernière livraison de la revue Nouvelles Questions féministes , que dirige Christine Delphy, interroge sous l’angle du genre le phénomène migratoire en Suisse, domaine dans lequel il n’est pas rare d’en apprendre plus sur l’hôte que sur l’arrivant. Un pays où plus d’un résident sur cinq est étranger, mais qui demeure très restrictif dans l’accès à sa nationalité. Le lecteur découvre ainsi beaucoup d’idées fausses sur les politiques migratoires, la situation pénitentiaire et surtout la place des femmes dans la société suisse. En matière d’émancipation familiale, par exemple, si la migration permet parfois aux femmes « d’accéder à la sphère publique », ce n’est pas, comme on aurait tendance à le croire, un phénomène systématique. Certains chercheurs signalent en effet une « accentuation de la subordination féminine induite par la migration » avec des femmes immigrées qui « cumulent les désavantages » sur le marché de l’emploi suisse, en tant qu’étrangères d’abord, en tant que femmes ensuite.

Cela n’empêche pas les migrantes d’avoir un taux d’activité plus important que les Suissesses, contrairement aux idées reçues sur les populations immigrées. Ethnologues, sociologues et autres chercheurs mettent en évidence la place spécifique qu’occupent ces migrantes dans l’économie nationale : ouvrières, aides-soignantes, nettoyeuses, employées domestiques, voire travailleuses du sexe… Autant d’activités encouragées par les dérégulations patronales et reproduisant « les tâches que les femmes effectuent dans la sphère privée » .

Les travaux présentés visent donc à « déconstruire les représentations sociales dominantes de la dépendance et de la passivité de la femme » , en évitant l’écueil d’une approche encore trop souvent évolutionniste du phénomène migratoire. Sur un sujet aussi vaste, qui appelle évidemment de plus amples développements, les auteures soulignent en tout cas l’importance d’une meilleure prise en compte du genre dans ce domaine de recherche. Une question politique bien mise en évidence par ce numéro.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Carole Delga et Alexis Corbière : quelle union à gauche pour gagner ?
Entretien 3 décembre 2024 abonné·es

Carole Delga et Alexis Corbière : quelle union à gauche pour gagner ?

La présidente socialiste de la région Occitanie et le député de Seine-Saint-Denis échangent sur la gauche, leurs visions de l’unité, leur divergence sur la radicalité d’un programme et la manière de combattre le RN. Dialogue sans concession.
Par Lucas Sarafian
Noémie de Lattre : « Mon axe féministe, c’est la réconciliation »
Entretien 27 novembre 2024 abonné·es

Noémie de Lattre : « Mon axe féministe, c’est la réconciliation »

Dans son dernier spectacle, L’Harmonie des genres – « pensé pour les hommes » –, Noémie de Lattre revient sur le couple, la sexualité, les violences sexistes et sexuelles, la domination masculine et le patriarcat, avec les instruments de l’éducation populaire.
Par Salomé Dionisi
« Revue du Crieur », la fin d’un beau pari
Revue 27 novembre 2024 abonné·es

« Revue du Crieur », la fin d’un beau pari

L’originale revue coéditée par Mediapart et La Découverte publie son ultime livraison après dix ans d’existence, avec un beau dossier sur la tragédie en cours à Gaza. C’est aussi une nouvelle publication sur papier qui disparaît, rappelant les difficultés de ces acteurs importants du débat intellectuel.
Par Olivier Doubre
De quoi la grève du sexe est-elle le non ?
Intersections 25 novembre 2024

De quoi la grève du sexe est-elle le non ?

La journaliste et autrice féministe Élise Thiébaut analyse le mouvement coréen 4B, appelant à la grève de toutes les injonctions imposées par le patriarcat, et qui suscite un écho important aux Etats-Unis depuis la réélection de Donald Trump.
Par Élise Thiébaut