Besancenot, le « survivant »

Seul le candidat de la LCR a échappé à gauche au jeu
de massacre du « vote utile ». Il n’est pas enclin pour autant à relancer la dynamique unitaire.

Xavier Frison  • 26 avril 2007 abonné·es

Devinette : comment arracher un sourire à un militant de la LCR alors que Nicolas Sarkozy vient de recueillir 31 % au premier tour d’une présidentielle ? En annonçant que le candidat maison, Olivier Besancenot, a réalisé 4,08 %, synonyme d’un gain de 288 218 voix par rapport à 2002. Sans oublier le titre envié de seul survivant d’une gauche antilibérale laminée par ailleurs. Au sous-sol, peu engageant, d’une salle surdimensionnée à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, 300 militants et sympathisants ont fait les comptes, dimanche soir, d’une campagne « réussie » . Pour Marie, 38 ans, « on s’en sort bien. Moi, je fais partie d’un collectif unitaire et je vote habituellement PC. Mais le Parti cherche l’hégémonie à tout prix, et, avec cette stratégie, ils ont tout foutu par terre. Pourtant, je croyais vraiment à la candidature unique. Au final, Besancenot m’a convaincue parce qu’il est le plus clair dans ses positions, le plus intègre » . Hervé, militant de 47 ans, rappelle tout de même que « Le Pen n’est pas au second tour, c’est la première bonne nouvelle. La deuxième, c’est notre bon score, qui montre que notre programme a été entendu ». Même analyse pour la jeune Diren (« ça veut dire résistance, en turc » ), 19 ans, militante depuis un mois : « Le score montre bien que l’indépendance assumée d’Olivier, ça a marché. Ce bon résultat reflète aussi l’état de la société, les conditions de vie qui se dégradent. La campagne de Besancenot a parlé aux gens. »

Près de l’estrade, Alain Krivine est satisfait, sans verser dans l’euphorie. Il se dit « content du résultat, obtenu malgré le chantage au vote utile en faveur de Ségolène Royal. Nous devenons une force. Le deuxième tour devra être un référendum anti-Sarkozy » . Olivier Besancenot, accueilli aux cris de « Tous ensemble, tous ensemble », parle d’un « grand moment de fierté » et revendique une fois encore sa « totale indépendance par rapport au PS » . Avant de promettre « une vraie opposition à la gauche » si d’aventure Ségolène Royal était élue, il appelle d’abord à « battre la droite, dans la rue comme dans les urnes ».

Après l’échec de la candidature unitaire, l’avenir commun de la gauche antilibérale reste en suspens. « En ce qui concerne la reconstruction de la gauche de la gauche, notamment pour les législatives, on va voir » , élude prudemment Alain Krivine : « C’est aux autres de voir, en fait, à eux de tirer le bilan de ce qui s’est passé, parce qu’ils sont très bas. » Les militants sont plus décidés : Diren estime que la LCR doit maintenant « rassembler la gauche antilibérale. C’est possible, et nécessaire pour faire barrage à ce qui s’annonce » . Pour Hervé, « il faut se remettre autour de la table pour discuter dès les législatives » . Seul Fred est plus circonspect : « Je pense que nous n’avons pas à discuter avec les autres composantes de la gauche antilibérale, notamment pour les législatives. Si on ne s’est pas mis d’accord ces six derniers mois, je ne vois pas comment on pourrait le faire en quelques semaines. »
Olivier Besancenot, lui, ne veut pas encore aborder les questions qui fâchent : « On verra, chaque chose en son temps » , lâche-t-il avant de disparaître vers les lumières des plateaux de télévision. Il avait été beaucoup plus clair le 18 avril, au cours d’une conférence de presse, pronostiquant que « pour les législatives, il y aura les mêmes discussions et les mêmes éléments politiques que pour la présidentielle » , laissant peu de place à l’espoir de candidatures unitaires, qu’Alain Krivine n’a pas complètement exclues… « dans quelques coins » . Le courant Unir, conduit notamment par Christian Piquet, ne l’entend pas de cette oreille. Dans un communiqué publié lundi, il appelle « à tout faire pour battre Sarkozy », ajoutant qu’ « au-delà, il est également de la responsabilité de la LCR de prendre l’initiative de rassembler la gauche antilibérale dans l’objectif de construire une réelle alternative à la droite et au social-libéralisme, ce qui passe en premier lieu par la recherche d’un maximum de candidatures communes aux élections législatives ».

Politique
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