Brasseur de cultures

Rencontre avec Sylvain Maurice, directeur
du Centre dramatique de Besançon et inventeur
de formules inédites.

Gilles Costaz  • 5 avril 2007 abonné·es

Sylvain Maurice fait partie de ces rares jeunes metteurs en scène qui ont été nommés à la tête d’un centre dramatique national. Depuis quatre ans, il dirige le Nouveau Théâtre de Besançon, dressé sur la place nouvellement baptisée esplanade Jean-Luc-Lagarce. Se sent-il un peu isolé ? « Oui, répond-il. Mes spectacles tournent à travers la France. Mais l’on est un peu coupé de la presse et un peu enfermé dans le franco-français, qui peut étouffer notre capacité à imaginer. Avec ceux de ma génération, nous n’avons pas été de grands voyageurs comme Peter Brook ou Ariane Mnouchkine. Et, si nous collaborons avec des Européens, nous avons tendance à rester avec nos semblables. Alors qu’il faut regarder plus loin. »

Une fois dans la cité de Victor Hugo, Sylvain Maurice s’est inscrit dans la continuité des précédents directeurs du centre, Denis Llorca, René Loyon et Michel Dubois, pour gagner petit à petit sa liberté et atteindre ensuite un nouveau public. Longtemps metteur en scène très pointu du répertoire allemand, il est allé vers les modernes français, de Jean Tardieu à Jean-Luc Lagarce. La saison prochaine, il montera l’* Orestie d’Eschyle. Cette saison, en un temps resserré, il a mis en scène une adaptation d’Hoffmann (l’auteur des Contes ), le Marchand de sable, et une pièce pour acteurs et marionnettes d’après Roald Dahl, les Sorcières , deux spectacles qui voyagent bien au-delà de Besançon. Il leur trouve ­ mais est-ce un hasard ? ­ une tonalité commune : « Tous deux parlent des cauchemars de l’enfance. Freud avait inventé la formule d’ « inquiétante étrangeté » à propos des écrits d’Hoffmann. Je suis allé vers cet esprit-là, mais toujours dans l’épure. »
Pour dépasser les frontières franco-européennes, Sylvain Maurice met sur pied une formule inédite, une sorte de rencontre internationale aboutissant à un spectacle commun. Il a demandé à un Japonais, Oriza Hirata, et à un Iranien, Amir Reza Koohestani, de travailler, en parallèle, sur le thème de l’utopie. Chacun fera un spectacle d’une trentaine de minutes. Les trois pièces seront jouées à la suite. L’entreprise est déjà en route. « Il est important de donner d’autres couleurs à la France régionale . Avec ce projet, nous pouvons partager ce qu’il y a d’universel dans les cultures, et ce qu’elles ont de singulier et d’irréductible. En travaillant, on s’aperçoit que l’Iranien est un Oriental assez proche de nous, et que le Japonais est plus occidentalisé mais qu’il s’est éloigné de nous en s’imprégnant de la culture américaine. »

Sylvain Maurice a toujours été un bricoleur de grand talent, faisant des spectacles aussi fascinants dans un boîtier de la taille d’un castelet ou dans l’amplitude d’une caserne d’Avignon. Maintenant patron d’une institution, il fait face au défi que lui suggère sa fonction : « Répondre à l’attente locale et inventer du nouveau. »

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