Dans les faubourgs sud-africains

La Cité de la musique présente un panorama des tendances
de la musique post-apartheid.

Denis Constant-Martin  • 5 avril 2007 abonné·es

En Afrique du Sud, l’équivalent de « faubourg » se dit township . C’est dans ces townships noirs qu’a été inventée la culture moderne du pays. Bien des quartiers mélangés constituèrent des foyers de création, mais ils furent déclarés « zones blanches » par le pouvoir, vidés de leurs habitants et rasés. Les musiques qui se jouent et se réinventent aujourd’hui prolongent celles qui se firent d’abord entendre dans ces quartiers, qu’on appelait d’ailleurs township jazz ou township jive . Mais elles ne se contentent pas de ressasser le passé et ses luttes ; libérées de l’apartheid, elles veulent maintenant être pleinement du monde.

Les musiciens de jazz ont depuis longtemps rêvé cette ouverture. Les plus anciens, comme Abdullah Ibrahim (17 avril), l’ont d’abord vécue dans un exil dont ils tirèrent de nouvelles idées pour retravailler des formes sud-africaines anciennes. D’autres, demeurés au pays, comme Robbie Jansen (11 avril), entendirent sur des disques américains de quoi renforcer la clameur de liberté qui s’exprimait dans leurs innovations. Aujourd’hui, le saxophoniste Zim Ngqawana (12 avril) demande à ne plus être « enfermé » dans une sud-africanité qu’il vit comme réductrice, et ambitionne de faire une musique universelle qui intègre aussi des éléments propres à son pays.

Le passé d’apartheid ne peut pourtant s’oublier : il est imprimé sur les photos de Jürgen Schadeberg, que commentent les Français de l’Association à la recherche d’un folklore imaginaire (Arfi) et le groupe Heavy Spirits de Pretoria (11 avril). Il imprègne encore le reggae de Lucky Dube (13 avril). En revanche, depuis 1994, les jeunes Sud-Africains tentent de prendre de la distance au son du kwaito , un avatar local de house qui tonitrue une soif de défoulement, sans être pour autant aveugle aux nouvelles formes de pauvreté qu’abrite l’Afrique du Sud libérée, et que dénonce Thandiswa (14 avril). La chanteuse, par sa voix, son sens de la scène et son regard sur l’Afrique du Sud actuelle, est l’artiste à découvrir dans cette belle programmation.

Culture
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