Avignon off : du pain sur les planches

Le festival parallèle, qui commence le 6 juillet, programme pas loin de mille spectacles ! L’équipe qui le gère à présent rêve de réformes, pour l’améliorer et le moraliser.

Gilles Costaz  • 5 juillet 2007 abonné·es

L’an dernier, sur le terrain du off, c’était la guerre, absurde~: deux organisations concurrentes créaient une coupure entre les compagnies et obligeaient l’amateur à transporter deux énormes catalogues dans la jungle caniculaire~! Cet été, ce devrait être différent. L’association héritière de l’organisation fondatrice, Avignon Festival Off, apparemment plus légitime que sa rivale mais arc-boutée sur une arrogance militaire, est en liquidation judiciaire. La société rivale, Avignon Festival et compagnies, qui n’a qu’un an d’existence mais a porté à sa tête l’inventeur du off (en 1966), le poète André Benedetto, occupe à elle seule tout l’espace du festival parallèle.

Illustration - Avignon off : du pain sur les planches


Avec plus de 900 spectacles programmés, le off est le terreau de la création artistique. POUJOULATt/AFP

Ou presque, car quelques derniers combattants de la structure ennemie, sous le nom de Plato-Pro, revendiquent une part du gâteau et occupent l’espace virtuel, pour qui tape «~Avignon off~» sur son moteur de recherche informatique. Ils ont pourtant été condamnés pour «~instrumentalisation de la Justice~» dans le procès qui les opposait à l’association présidée par André Benedetto. leur intention est de résister, mais ils ne devraient pas brouiller les cartes longtemps. L’équipe dominante regroupe en effet 700 compagnies, annonce plus de 900 spectacles, sur lesquels elle informe par l’intermédiaire de son site et de son journal. Il y aura bien quelques rebelles de Plato-Pro et, comme d’habitude, des baladins de la dernière heure qui s’installent en ne s’inscrivant nulle part. Mais la quasi-totalité des spectacles off porteront l’étiquette Avignon Festival et compagnies.

Très collégiale, vivant au rythme de nombreuses et chahuteuses assemblées générales, l’association victorieuse est un animal à trois têtes. Benedetto s’entoure de deux vice-présidents, Greg Germain, poète et acteur guadeloupéen, directeur du théâtre du Verbe incarné à Avignon, et Isabelle Decroix, responsable de la compagnie ID Production. Pour eux et leurs amis, l’enjeu est de renouveler et de moraliser le off.

Cette année, le public ne découvrira pourtant que des changements modérés. L’information sur la foule des spectacles (encore plus nombreux que l’an dernier) devrait être claire et pratique. La carte d’abonnement, qui donne droit à une réduction de 30~%, sera au prix abordable de 13 euros. Quant au programme, il paraît favoriser le théâtre pur, et non les artistes de café-théâtre~: selon les comptes faits fin juin, les vraies pièces atteignent le chiffre de 524, le café-théâtre celui de 48, tandis que le théâtre musical propose 102 spectacles et la danse 51.

Mais à quoi sert le off~? L’an dernier, à la question du directeur de l’association opposée : « Mais quel projet avez-vous pour le off~? » , Benedetto répondait avec superbe~: « Le off est lui-même un projet. » Ce qui n’empêche pas de le définir et de lui rêver un avenir meilleur. Les responsables en sont tellement convaincus qu’ils organiseront des états généraux sur ce sujet dès le mois de septembre. « Nous allons dépasser les 900 spectacles , annonce Greg Germain. Cela veut dire qu’il y a un manque dans le paysage national, et qu’on trouve à Avignon le terreau de la création artistique. Ici, les compagnies jouent vingt-trois fois. C’est impensable à Paris. Le off rend un immense service. À nous d’en améliorer la lisibilité.~»

D’où un certain nombre de projets ou de réflexions qui ne se concrétiseront pas cette année~: différencier les professionnels des amateurs, parvenir à une billetterie normalisée (trente lieux seulement sont informatisés pour l’émission des billets), établir un catalogue des théâtres et de leurs possibilités, enquêter sur le caractère rémunéré ou gratuit des prestations des artistes et techniciens… Dans l’immédiat, le fonds artistique constitué avec un pourcentage sur les adhésions fonctionne déjà~; choisies par une commission de professionnels, huit compagnies bénéficient donc d’une aide financière et de résidences.

Les partenaires naturels de l’association ne répondent pas tous à l’appel. L’Adami ne s’y implique pas, à la différence de la SACD et de la Sacem (des sociétés d’auteurs). Le ministère de la Culture n’apporte aucune subvention, alors qu’il aidait la structure d’antan, et a fait faire au fil des ans deux grandes enquêtes sur le off. Les marginaux attendront donc que le nouveau pouvoir s’intéresse davantage à cette grande vitrine du théâtre français et étranger. La fête a lieu de toute façon, avec ­ pour un retour aux sources joyeuses des débuts, en clin d’oeil à Jean Vilar ­ parade d’ouverture, match de foot le 13 juillet et bal de clôture.

Culture
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