Entre espoir et turbulences

Malgré des conditions difficiles et de nombreux malentendus,
les associations ont joué le jeu du Grenelle, espérant jusqu’au bout
ne pas avoir été flouées.

Patrick Piro  • 25 octobre 2007 abonné·es

Grand-messe congratulatoire, le 27 septembre dernier, au ministère de l’Écologie : les huit groupes de travail, qui ont planché pendant plus de deux mois, rendent leur rapport à Jean-Louis Borloo et à Nathalie Kosciusko-Morizet ­ sous forme de clef USB, économie de papier oblige ! Les rapporteurs se félicitent d’une aventure collective riche et encourageante : on s’est écoutés et respectés ! Un aveu de soulagement, car rien n’était gagné en juillet, au lancement du processus : un « Grenelle de l’environnement », c’est quoi ?

L’idée est lancée le 31 mars dernier par Écologie sans frontières, petite association invitée par Nicolas Hulot, avec une dizaine d’autres, à rencontrer Nicolas Sarkozy, dont le chapitre « environnement », dans son programme électoral, a été noté 8,5/20 par les associations. Vexé, le candidat promet que ce « Grenelle » sera une priorité de son mandat. Dès le 21 mai, il intronise « groupe de contact » les neuf associations rencontrées deux mois auparavant : Greenpeace, WWF, France nature environnement (FNE), la ligue Roc, la Fondation Nicolas-Hulot (FNH), la Ligue de protection des oiseaux, les Amis de la terre, le Réseau Action climat et Écologie sans frontières.

Premier malaise : c’est le casting du Président, soufflé par Hulot. Mais le milieu associatif est bien en peine de faire des contre-propositions, dépourvu de représentants légitimes. Et puis l’offre ne se refuse pas : après des décennies de disette, voici enfin l’amorce d’une grande manoeuvre ! Et avec des garanties inespérées : la création d’un mégaministère de l’Écologie regroupant l’environnement, l’énergie, les transports et l’aménagement du territoire, dirigé par un poids lourd politique, Alain Juppé, numéro 2 du gouvernement !

Mais il faut déjà « passer à la caisse » : Juppé annonce sans délai que l’on ne touchera pas au nucléaire ­ un comble pour un ministre de l’Écologie. Ce n’est pourtant un casus belli que pour le Réseau sortir du nucléaire, qui quitte en juin l’Alliance pour la planète ­ le très large front associatif écologiste ­, parce qu’il refuse de conditionner sa participation au Grenelle à un moratoire sur la construction du réacteur nucléaire.

Un mois bien turbulent, puisque la fédération France nature environnement (3 000 associations) et la Fondation Nicolas-Hulot, deux poids lourds, se retirent aussi de l’Alliance afin de défendre leurs propres intérêts au Grenelle. Et pour plomber encore un peu l’ambiance, Juppé, battu à Bordeaux aux législatives, démissionne le 17 juin du gouvernement ! Dans le milieu associatif, on redoute d’avoir pris des vessies pour des lanternes : le nouveau ministre s’appelle Jean-Louis Borloo, dont on se souvient à peine qu’il contribua à fonder Génération écologie en 1990.

Mi-juillet, le Grenelle de l’environnement entre dans le vif du sujet, avec la constitution des six premiers groupes de travail (changement climatique et énergie, biodiversité et ressources naturelles, santé, production et consommation durables, démocratie écologique, emploi et compétitivité) composés de représentants de cinq collèges ­ État, associations, collectivités locales, employeurs et syndicats. Encore une fois, la légitimité de ce panel ne saute pas aux yeux. Qu’à cela ne tienne, tout le monde fait semblant d’y croire, faute d’avoir le choix.

Même si les griefs s’accumulent, côté associations. Le calendrier est démentiel, le tableau de marche flou, et le silence maintenu sur le pivot politique de l’opération : le processus débouchera-t-il sur une « négociation » entre les participants, ou bien leurs propositions seront-elles remises au Président, qui en fera ce que bon lui semblera ? Aucune réponse claire ne sera jamais apportée…

Fin septembre, commence un exercice de communication : 55 % des Français ont entendu parler du Grenelle, c’est médiocre. Une vingtaine de conférences sont organisées dans des « villes moyennes », accompagnées d’un forum Internet ­ 14 259 contributions. Qu’il ne soit pas dit que le « grand public » n’a pas été « associé » !

Pendant cet interlude, le calendrier dérape. À deux jours de la table ronde finale des 24 et 25 octobre, le ministère en était encore à mettre au point le document synthétisant… les conclusions des huit groupes de travail, après avoir tenté de les édulcorer. Imperturbable, le site Internet officiel du Grenelle [^2] annonce toujours pour fin octobre « plan d’action et programmes »… Les associations, avec le sentiment d’avoir été au bout de leurs possibilités, se raccrochent désormais à un espoir rationnel : personne n’a intérêt à l’échec.

[^2]: . ; <legrenelle.lalliance.fr>. : le « Grenellorama » de l’Alliance pour la planète ; <agora-grenelle.fr>., autour de l’association « 4D ».

Écologie
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