Faire face aux caméras

Dans « la Grande surveillance », Claude-Marie Vadrot analyse les ressorts de l’obsession sécuritaire.

Ingrid Merckx  • 25 octobre 2007 abonné·es

« L’informatique doit être au service de chaque citoyen », stipule la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Et non le contraire, dénonce notre collaborateur Claude-Marie Vadrot dans la Grande Surveillance . Début 2006, l’Inserm rend un rapport (amendé par la suite) proposant de dépister les germes de la violence chez les enfants de moins de 3 ans, et de suivre leur évolution via des dossiers informatisés. Mai 2006, les élèves du lycée Maurice-Ravel, à Paris, protestent contre l’obligation d’enregistrer l’image biométrique de leur main pour accéder à la cantine scolaire.

Le 25 août 2006, Benjamin Deceuninck, « faucheur volontaire » d’OGM, est condamné à 500 euros d’amende pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement d’ADN, et d’être inscrit, de fait, dans le fichier génétique des fauteurs de troubles… La semaine dernière, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, annonce qu’elle compte tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance d’ici à fin 2009. Et la loi Hortefeux, qui sera définitivement votée cette semaine, instaure des tests ADN à des fins de contrôle migratoire.

L’objectif affiché, c’est toujours la sécurité des citoyens et la lutte contre les fraudeurs. « Toute l’idéologie de la sécurisation informatique repose sur le postulat martelé par les responsables de l’ordre face aux menaces de terrorisme, réelles ou fantasmées, face à l’insécurité, réelle ou ressentie : « Les « honnêtes gens » n’ont rien à redouter » », pointe Claude-Marie Vadrot. Sous-entendu : tous ceux qui refusent de se soumettre à une opération de contrôle ou de fichage sont suspects. Or, non seulement les systèmes de surveillance ne sont pas forcément efficaces face au crime, explique le journaliste en prenant l’exemple des caméras de surveillance en Angleterre, ni infaillibles. Mais, en plus, des outils comme la carte Vitale deuxième génération exposent à des dérives telles que l’utilisation d’informations médicales privées par des assurances ou des employeurs. Claude-Marie Vadrot renvoie à deux questions fondamentales : à qui profite le marché de la peur ? Et de quelle manière l’intériorisation des processus de surveillance a-t-elle déjà modifié nos comportements sociaux ?

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »
Entretien 5 novembre 2025 abonné·es

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »

Des millions de personnes dans les rues, un pays bloqué pendant plusieurs semaines, par des grèves massives et reconductibles : 1995 a été historique par plusieurs aspects. Trente ans après, la politiste et spécialiste du syndicalisme retrace ce qui a permis cette mobilisation et ses conséquences.
Par Pierre Jequier-Zalc
1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique
Analyse 5 novembre 2025 abonné·es

1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique

Le mouvement de 1995 annonce un retour de l’engagement contre la violence néolibérale, renouant avec le mouvement populaire et élaborant de nouvelles problématiques, de l’écologie à la précarité, du travail aux nouvelles formes de solidarité.
Par Olivier Doubre
Qui a peur du grand méchant woke ?
Idées 29 octobre 2025 abonné·es

Qui a peur du grand méchant woke ?

Si la droite et l’extrême droite ont toujours été proches, le phénomène nouveau des dernières années est moins la normalisation de l’extrême droite que la diabolisation de la gauche, qui se nourrit d’une crise des institutions.
Par Benjamin Tainturier
Roger Martelli : « La gauche doit renouer avec la hardiesse de l’espérance »
Entretien 29 octobre 2025 libéré

Roger Martelli : « La gauche doit renouer avec la hardiesse de l’espérance »

Spécialiste du mouvement ouvrier français et du communisme, l’historien est un fin connaisseur des divisions qui lacèrent les gauches françaises. Il s’émeut du rejet ostracisant qui les frappe aujourd’hui, notamment leur aile la plus radicale, et propose des voies alternatives pour reprendre l’initiative et retrouver l’espoir. Et contrer l’extrême droite.
Par Olivier Doubre