Kaw, mine sinistre

Claude-Marie Vadrot  • 1 novembre 2007 abonné·es

« Pour moi, la mine d’or de la montagne de Kaw, c’est toujours une horreur écologique. D’abord à cause du site : c’est un sanctuaire biologique. C’est le dernier endroit de Guyane où il faut monter un projet minier. La montagne de Kaw est le premier relief du littoral guyanais qui arrête les vents océaniques. C’est une forêt tropicale humide qui a échappé aux glaciations il y a des milliers d’années. » L’auteur de ce jugement sans appel est Pierre Balland, inspecteur général de l’environnement, dont le rapport défavorable au projet de la multinationale minière canadienne a été rendu en octobre 2006. Il y a quelques semaines, en plein Grenelle de l’environnement, il s’est longuement exprimé, mais il n’a guère été écouté : aucune décision n’a été prise sur le nouveau projet d’exploitation déposé par la CBJ Caïman, filiale de Lamgold, société notamment connue pour les graves pollutions engendrées par sa mine de Sadiola au Mali.

Reste une chance de contrer ce projet défendu bec et ongles par le Medef guyanais : une prochaine visite de la secrétaire d’État à l’Écologie. Elle aurait l’occasion de constater de visu tout ce qui contrarie la sauvegarde de la biodiversité et des milieux naturels dans une Guyane que la France s’est engagée à préserver en 1992, lors de la conférence de Rio.

Le projet d’ouverture d’une mine à ciel ouvert dans la montagne de Kaw, à une cinquantaine de kilomètres de Cayenne, est emblématique de l’exploitation anarchique du département : la concession théoriquement accordée couvre 30 km2 pour une surface minière théorique de 373 hectares. « Théorique », car si les responsables de la société découvrent autant d’or qu’ils l’espèrent, rien ne pourra les empêcher de poursuivre l’éventration de la région. Au mépris de la zone naturelle d’intérêt écologique et faunistique (Znieff) de type 1 qui couvre la région, sans aucun égard pour le parc naturel régional, pour les caïmans noirs du marais voisin, pour la biodiversité et les ressources en eau d’une zone qui reçoit en moyenne 5 000 millimètres de pluie par an. Dévastation qui réduira à néant tout espoir d’une exploitation touristique durable de la région.

Commentaire désabusé de l’un des ingénieurs écologues qui a conduit une étude (ensuite édulcorée) pour la société minière : « Si on refuse l’autorisation, cela signifie qu’on doit arrêter tous les autres sites miniers en Guyane. » On ne le lui fait pas dire…

Écologie
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