Plan américain perturbé

Alain Lormon  • 8 novembre 2007 abonné·es

Avec des amis comme ça, George Bush n’a plus besoin d’ennemis. Au Pakistan, la très active diplomatie américaine avait pourtant tout organisé. L’ancien Premier ministre, Benazir Bhutto, venait de rentrer au pays. Les États-Unis avaient imaginé un attelage politique improbable avec le général-président Pervez Musharraf. Mais voilà que celui-ci brise toute cette belle mécanique en proclamant l’état d’urgence. Depuis samedi, la Constitution est suspendue, les médias sont contrôlés, les opposants embastillés, et la Cour suprême réduite au silence. C’est d’ailleurs pour anticiper une possible mise en cause de son éligibilité par cette vénérable institution héritée du droit britannique que Pervez Musharraf a agi aussi rapidement. Depuis samedi, Iftikhar Mohammad Chaundhry, le président de la Cour suprême, est en résidence surveillée… Et il va sans dire que la tenue des élections législatives, programmées pour le mois de janvier, est plus qu’improbable. Aussitôt, les États-Unis ont appelé au rétablissement de la démocratie, puis menacé de prendre des sanctions économiques. Le Pakistan a reçu de Washington quelque onze milliards de dollars depuis six ans. Si le coup de force de Pervez Musharraf, en l’occurrence, ne fait pas les affaires des États-Unis, ceux-ci ne peuvent non plus s’en étonner. L’homme sur lequel ils ont misé depuis de nombreuses années pour assurer le statu quo à leur profit était déjà issu d’un coup d’État, en octobre 1999. Il avait eu ensuite l’habileté de faire allégeance aux États-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Ce qui lui avait valu en retour le soutien de George Bush.

L’épisode de ces derniers jours éclaire aussi sur une autre réalité. Pervez Musharraf a justifié son coup de force par « la montée des violences terroristes et les interférences des juges dans la politique du gouvernement » . Nous avons là deux des alibis les plus classiques de toute dictature : la lutte contre le terrorisme et la mise au pas des juges. Lejour du retour d’exil de Benazir Bhutto, un attentat avait causé la mort de 132 personnes dans le cortège de ses supporters. Immédiatement, le pouvoir avait désigné les « islamistes ». Mais beaucoup, dont des proches de Benazir Bhutto, avaient mis en cause le pouvoir. Selon un procédé qui a déjà beaucoup servi, notamment en Algérie dans les années 1990, les « bombes islamistes » serviraient surtout à différer des élections et à justifier un régime qui s’exonérerait lui-même de toute contrainte du droit. Dequoi faire réfléchir quelques BHL qui, chez nous, ont une vision manichéenne dumonde.

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