Amis de la Terre et de Politis

Passerelle entre les luttes sociales, politiques et environnementales, « Politis » occupe une place à part dans le milieu de l’écologie.
Les Amis de la Terre s’y retrouvent. Témoignages.

Patrick Piro  • 24 janvier 2008 abonné·es

À Politis , on aime bien se définir comme un journal « écologiste ». D’accompagnement ? Résolument ? En pointe ? Certes, la première rubrique consacrée à l’écologie dans un média généraliste, c’est dans ses pages qu’on la trouve, au début des années 1990. Politis tire aussi une certaine fierté d’avoir cru en l’écologie politique, en soutenant les Verts quand ils virèrent franco à gauche en 1994. Mais de là à trôner sur les porte-revues des associations, à gauche de l’Écologiste , de Silence , de la Revue durable ou du Hérisson

« Pendant dix ans, j’ai ressenti une frustration énorme, il n’y avait pas assez d’écologie dans Politis, dit Hélène Gassie, « lectrice depuis le début ». Pourtant, détrompez-vous, je suis convaincue que beaucoup de personnes y sont venues grâce à ce journal ! » Landaise, militante aux Amis de la Terre, l’un des tout premiers réseaux écologistes de France, et le plus étendu au monde, fort de ses 72 représentations nationales, elle confesse une assuétude éclairée. « J’ai longtemps été suspendue à mon hebdo. Je m’étonnais par exemple que si peu de gens soient au courant de la bataille contre le tunnel du Somport. Avec Politis *, elle quittait le sérail local. Je guettais les « brèves ». Et j’étais fière quand nos actions étaient relayées, c’était la jauge de leur impact. »* Retour d’ascenseur, c’est l’hebdo qui lui fait connaître l’Éthiket’Bus, ce magasin de commerce équitable ambulant logé dans un autobus à impériale qui parcourt les routes du Béarn, du Pays basque et des Landes. « Ce sont devenus des amis. »

C’est qu’on est furieusement basistes, aux Amis de la Terre. Administrateur de l’association (comme Hélène Gassie), Alain Dordé regrette la dispersion, dans la nouvelle formule du journal, de ces pages « où l’on trouvait un tas d’informations de proximité. La presse locale n’en permet pas une répercussion suffisante. Nous sommes très attachés au développement de nos groupes locaux, et Politis est l’un des seuls médias nationaux sensibles à ce type de préoccupation. »
Fondés en 1970, les Amis de la Terre occupent une place originale dans la galaxie écologiste, portant haut l’étendard de la solidarité internationale. « J’ai toujours eu besoin de voir réconciliées les valeurs de l’écologie, du social et de la politique. J’avais, je crois, une vision péjorative des militants strictement environnementalistes » , reconnaît Hélène Gassie.

Il faut dire que ces derniers n’ont pas bonne presse dans son département, où la maïsiculture et la chasse sont une noblesse, fief depuis vingt-six ans d’Henri Emmanuelli, un pur socialiste. « Chez nous, il n’y a pas si longtemps, l’écologie était classée pétainiste ! Nous avons toujours eu des comptes à rendre à une certaine gauche rétive à articuler la dimension sociale avec l’écologie et la solidarité Nord-Sud. Cette convergence, je l’ai rencontrée chez vous avant d’adhérer aux Amis de la Terre. » Toutefois, cette spécifiité pourrait être affirmée avec encore plus de force, estime Alain Dordé.

En contrepartie, on se pince parfois le nez quand la politique pointe, dans les associations, et peut-être plus encore dans les milieux écolos. « Une résistance naturelle à l’instrumentalisation par les partis , justifie Arthur Le Floc’h, jeune militant des Amis de la Terre, d’autant plus que leur intérêt pour l’environnement est bien neuf. »

« Le cousinage avec la politique, on a donné, la plupart des Verts historiques sont passés par l’association , rappelle Hélène Gassie. Mais on est vaccinés… » Pas seulement par crainte des manoeuvres politiciennes. Car l’ombre, la blessure longtemps cachée jusqu’à devenir taboue, la trahison du politique, c’est le départ de Brice Lalonde, animateur de l’association pendant plus de quinze ans, devenu ministre de l’Environnement dans le gouvernement Rocard en 1988, avant de participer à la fondation du parti Génération écologie en 1991. « Le trou noir. L’association est restée exsangue, entamant une traversée du désert dont elle n’est sortie que récemment » .

Le traumatisme est encore vif. En février 2007, les batailles locales en faveur d’une gestion publique des services de l’eau donnent naissance à l’association EAU (pour élus, associations, usagers), sous l’impulsion de plusieurs maires et députés. « Il a été très difficile d’emporter l’adhésion des Amis de la Terre, et d’argumenter qu’un élu, ça ne sent pas le soufre a priori *. Tenez,* Politis *, avec un nom pareil, ça peut fermer des portes chez nous… »*

Test vérité, en octobre 2006, lors du sauvetage du journal. Hélène Gassie et Alain Dordé portent une demande de soutien devant le conseil fédéral de l’association. « Les membres qui connaissaient le journal n’étaient pas nombreux, se souvient-elle. Certains étaient même farouchement contre un engagement des Amis de la Terre. Mais, pour ma part, il n’était pas imaginable que nous restions en dehors de cet incroyable mouvement de soutien ! Notre place était à l’intérieur, Politis est un vrai compagnon de nos luttes. »

La ténacité paye : l’association apporte finalement son appui sans réserve. L’un de ses militants, Jean-François Hamon (des Landes, bien sûr), est même élu au conseil d’administration de l’association Pour Politis, qui rassemble les lecteurs et sympathisants depuis la refondation du journal en novembre 2006.

C’est à ce moment-là qu’Arthur Le Floc’h s’est abonné à l’hebdo. « Pour ma femme, surtout ! Elle est étrangère et ne connaît pas la mouvance écologiste. Politis *, ce n’est pas trop compliqué, ça convient tout à fait ! »*

Médias
Temps de lecture : 5 minutes