Feu sur les incinérateurs

L’environnement, et notamment le traitement des déchets, s’est imposé dans les batailles municipales. Exemples à Marseille et à Clermont-Ferrand.

Patrick Piro  • 6 mars 2008 abonné·es

Selon un Sondage commandé par Éco-emballage, principal organisme de valorisation des déchets d’emballages : pour 40 % des Français, et même pour 50 % des élus et des candidats, l’environnement est un enjeu « prioritaire » pour les municipales. Et 74 % des Français, 92 % des élus et candidats placent leur préoccupation pour les déchets devant le réchauffement climatique, les énergies renouvelables ou les pesticides.

Le recours à l’incinération, solution proposée clés en main par des industriels, a longtemps été privilégié par les maires. Mais il est désormais contesté avec de plus en plus de virulence. Par les associations écologistes ­ parce que l’incinération est un obstacle à la réduction des déchets à la source et aux filières de recyclage (quand l’incinérateur est implanté, il faut l’alimenter…) ­, mais aussi par les riverains, qui dénoncent partout en France les risques sanitaires pour les populations voisines des cheminées, notamment l’augmentation de certains cancers
[^2].

Le cas de Marseille illustre les impasses d’une gestion calamiteuse. Les déchets de l’agglomération filent par trains entiers à la gigantesque décharge d’Entressen, la plus tristement célèbre de France (600 000 tonnes par an). Elle aurait dû être fermée depuis cinq ans déjà. En 2002, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM), présidée par le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, décide, pour prendre partiellement le relais, de faire construire un incinérateur de gros calibre (300 000 tonnes de capacité) à Fos-sur-Mer ­ ville située en dehors de la MPM. La contestation s’organise rapidement, menée par des habitants et des élus. En 2003, première manifestation de taille : 1 500 personnes mènent une opération « ville morte » à Port-Saint-Louis.

Depuis, les actions de protestation et les recours en justice se sont multipliés. Une pétition signée par 25 000 personnes est remise en 2005 à la sous-préfecture, sans suite. Puis des médecins témoignent de leurs craintes sanitaires, en vain aussi. Le chantier a démarré quand, fin 2006, un Front citoyen de résistance du golfe de Fos fédère plus de 60 associations de la région.

Au cours du temps, l’affaire s’est politisée, entre Jean-Claude Gaudin (UMP) et le conseil général des Bouches-du-Rhône, présidé par le socialiste Jean-Noël Guérini, qui propose un plan alternatif de traitement des déchets majoritairement par méthanisation et recyclage. Ces deux protagonistes se disputent aujourd’hui le siège de la mairie de Marseille, et l’incinérateur de Fos est au centre de la campagne. Jean-Noël Guérini, qui pourrait l’emporter, cultive sa différence en promettant un moratoire sur la construction de l’usine. « Le désintérêt de Roland Chassain [UMP] lui a coûté son fauteuil de député l’an dernier, souligne Gérard Casanova, animateur du Collectif citoyen santé environnement de Port-Saint-Louis du Rhône. Il n’avait jamais pris le temps de nous rencontrer en quatre ans de contestation. » Redoutant l’opportunisme politique, les opposants ont lancé des « brigades citoyennes » afin d’enregistrer la position des candidats, et ont défilé à plusieurs milliers samedi dernier à Marseille au cri de « Jamais d’incinérateur, ni ici ni ailleurs » .

Participaient en effet des militants d’autres régions de France, et de Clermont-Ferrand en particulier. Le département du Puy-de-Dôme veut y faire construire un incinérateur dans une cuvette qui concentre les pollutions. Quelques médecins, dont Alain Laffont, candidat LCR à la cantonale de Montferrand, ont obtenu la signature de la totalité de leurs 531 confrères et consoeurs de l’agglomération afin de dénoncer les risques sanitaires. « Nous avons tenu des dizaines de réunions publiques, avec jusqu’à 500 participants » , souligne-t-il. Sollicitées, les quatre listes en lice pour la mairie sont toutes « contre », et le sujet a fait l’objet d’un débat public mardi dernier entre les candidats.

Mais alors qu’à Marseille la bataille municipale pourrait décisivement faire reculer la construction de l’incinérateur, ce ne devrait paradoxalement pas être le cas à Clermont-Ferrand. « En effet, la décision finale appartient au préfet , précise Alain Laffont. L’objectif est donc de prendre appui sur l’unanimité politique clermontoise pour faire monter la pression et obtenir un référendum. Le préfet ne pourrait alors pas passer outre l’opposition massive de la population… »

[^2]: À ce titre, les éditions du Layeur publient Incinération =pollution, le scandale de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, de Michel Roulet. L’auteur a été en première ligne de la bataille contre cette incroyable affaire, la plus grave en matière de pollution par un incinérateur en France.

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