Chères nourritures terrestres

Jean-Louis Gueydon de Dives  • 22 mai 2008 abonné·es

Allons-nous tous mourir de faim ? Les récentes émeutes dans plusieurs pays du Sud nous ont rappelé que le temps des famines n’était pas si lointain, même en Europe…
Pour ces pays, tout le monde s’accorde maintenant à penser que la meilleure solution est de développer une agriculture vivrière familiale fondée sur les ressources locales traditionnelles en semences, savoir-faire et engrais ^2. Il y a bien encore quelques nostalgiques de l’agro-industrie pour préconiser le transfert au Sud de notre modèle agricole hyperproductiviste et hyperpolluant, mais ils sont de moins en moins nombreux, ne serait-ce que parce que les paysans pauvres n’ont pas les moyens de se payer les matériels et les intrants que nécessite ce type d’agriculture.
Pour les pays du Nord, c’est différent, car l’agriculture y est tellement productive et excédentaire que le risque d’une famine y semble très théorique. Et pourtant… il ne faudrait pas oublier que le modèle agricole occidental repose entièrement sur un pétrole bon marché et abondant. Il fait rouler les tracteurs, entre dans la fabrication des engrais et des pesticides, et surtout il est nécessaire pour transporter les produits sur de longues distances.

Il y a peu d’études sur ce sujet, mais j’en ai déniché une de l’écologue suédois Folke Günther, publiée en 2004 par la fondation irlandaise Feasta ^3. Elle montre que l’énergie nécessaire pour produire et transporter la nourriture d’une famille (suédoise) de quatre personnes est de l’ordre de 40 000 kWh par an, à comparer aux 17 000 kWh nécessaires à sa maison ou aux 15 000 kWh consommés par sa voiture… Des travaux antérieurs montrent que le transport de nourriture en Suède peut représenter 10 % de l’utilisation totale de l’énergie, et que ce chiffre atteindrait 16 % dans des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis. Dans l’hypothèse d’une multiplication par cinq ou dix du prix du pétrole, ce serait insupportable… Alors, que faire ?

Eh bien tout le contraire de ce que l’on a fait jusqu’ici, dans un contexte d’énergie bon marché : rendre l’agriculture aussi peu dépendante que possible du pétrole, et pour cela investir massivement dans l’agriculture biologique ; minimiser les transports de denrées alimentaires, et pour cela développer des circuits locaux de production et de distribution, ce qui nécessite – entre autres – de préserver les terres agricoles à proximité des villes pour les mettre à disposition des agriculteurs locaux ou des familles. Nos élus locaux feraient bien d’y réfléchir, au lieu de bétonner à tout va.

.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »
Carte blanche 17 novembre 2025

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »

En Équateur, les conséquences sanitaires l’exploitation d’hydrocarbure, qui pollue l’air et les eaux, sont connues depuis des décennies. Leonela Moncayo, 15 ans, mène un combat contre ces torchères avec les Guerrières de l’Amazonie. Témoignage.
Par Patrick Piro
COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages
Récit 17 novembre 2025 abonné·es

COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages

Organisée à Belém, la rencontre biennale des personnes affectées par les grands barrages a célébré sa structuration à l’échelle mondiale. L’objectif : affronter les nouveaux défis d’une transition énergétique qui, bien souvent, ne fait pas plus cas des populations qu’auparavant.
Par Patrick Piro
Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »
Reportage 17 novembre 2025 abonné·es

Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »

À Saint-Aubin-lès-Elbeuf en Seine-Maritime, une action d’infiltration a été menée ce 17 novembre dans une unité du géant industriel allemand, pour dénoncer la fabrication de produits interdits en Europe, tel le fipronil.
Par Maxime Sirvins
« La mer nous remet à notre place : un existant qui ne voit pas tout »
Entretien 14 novembre 2025 abonné·es

« La mer nous remet à notre place : un existant qui ne voit pas tout »

Philosophe et autrice de L’Être et la mer, Corine Pelluchon appelle à regarder l’humanité depuis l’océan, pour repenser sa place, appréhender sa vulnérabilité et ouvrir à un imaginaire de la solidarité.
Par Caroline Baude et Hugo Boursier