Pas de panique… pour l’instant

Alors que le prix du baril de pétrole ne cesse de grimper et que l’inquiétude se propage, l’Union européenne n’a toujours pas adopté de plan de réduction de sa consommation d’énergie.

Patrick Piro  • 26 juin 2008 abonné·es

Le dossier « énergie climat » est en tête des priorités de la présidence française à l’Union européenne. Difficile de faire moins : alors que l’explosion du cours du pétrole menace des pans entiers de l’économie et des dizaines de milliers d’emplois – pêcheurs, routiers, taxis, infirmiers, agriculteurs, etc. –, la situation reste bloquée. La conférence de Djeddah entre pays producteurs et pays consommateurs de pétrole s’est résumée la semaine dernière à un dialogue de sourds. La question dominera l’ordre du jour du G8 à Hokkaido (Japon) du 7 au 9 juillet, mais aucune solution n’est avancée.

L’atmosphère qui règne actuellement dans le transport aérien, menacé à court terme, est révélatrice. « Pas de panique des compagnies aériennes ni d’annulations massives de commandes dues à la flambée du pétrole, pour l’instant », déclarait en substance la semaine dernière Louis Gallois, président du groupe EADS, qui fabrique les Airbus. Ou comment, en termes choisis, préparer les troupes à des incertitudes d’ampleur…
Appliquant des « surcharges carburant » proches de 250 euros pour les vols long-courriers, les compagnies guettent la réaction des clients. Les low-cost subissent la crise de plein fouet, plusieurs ont déjà disparu. Aux États-Unis, les transporteurs, aux flottes gourmandes en kérosène, se préparent à des pertes de 10 milliards de dollars en 2008, un record. Les compagnies européennes, qui vendent leurs billets en euros, disposent d’un répit grâce au taux de change avantageux. Mais jusqu’à quand ?
Le baril a franchi la barre des 140 dollars, il n’est « pas impossible » qu’il atteigne 300 dollars en 2015… La prévision faisait sourire les spécialistes il y a quelques mois, ce n’est plus le cas : son auteur n’est autre que le président de l’Institut français du pétrole (IFP).
Face au défi de l’énergie, l’Union européenne, très largement dépendante de ses importations (Moyen-Orient pour le pétrole, Russie pour le gaz, etc.), se présente étonnamment divisée, dépourvue de politique commune. Les mesures nationales se multiplient en ordre dispersé – allégements fiscaux, primes diverses, impôt supplémentaire sur les profits des pétroliers, etc. –, alors que la priorité, selon Jacques Delors, ancien président de la Commission de Bruxelles, serait de « bâtir d’urgence le schéma d’une Europe de l’énergie [^2]» , sous peine de voir sa survie menacée faute d’influence sur des dossiers aussi vitaux.

On n’en prend pas vraiment le chemin. Dans un discours devant les députés, le 19 juin, François Fillon a bien convenu que l’indépendance énergétique de l’Union européenne méritait « une réponse structurelle – un grand plan d’économie d’énergie » . On n’en distingue pourtant qu’une fragile ébauche. En guise de proposition concrète pour démontrer la capacité de l’Europe à réagir de manière cohérente, le Premier ministre a rabâché l’idée fixe de Nicolas Sarkozy, qui rencontre une vive opposition dans l’Union : le plafonnement de la TVA sur les produits pétroliers, afin de « soulager les populations qui souffrent le plus » . Contresens total, estiment plusieurs pays : ce n’est surtout pas le moment de donner le signal que la hausse du prix des carburants pourrait s’apaiser. D’autant que certains États-membres, contrairement à la France, ont vu baisser les recettes fiscales pétrolières depuis l’explosion du prix du baril, ce qui signifie que la consommation y a notablement régressé.

[^2]: Journal du dimanche, 22 juin 2008.

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